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à côtes qui se font en Lombardie. » Et c’est toute sa relation de voyage, preuve évidente qu’elle n’avait rien de sensationnel. Et de fait, la route, les routes plutôt de Tombouctou étaient depuis longtemps connues, à telle enseigne qu’elles figuraient, dès l’an 1373, dans un atlas de la Librairie de Charles V, au Louvre, cet ancêtre de la Bibliothèque Nationale.

Voici les étapes d’une des routes qu’on connaissait à Florence un demi-siècle plus tard : « Comme beaucoup d’endroits, écrivait Abraham Farissol, manquent de sel, principe et remède universel, l’itinéraire des caravanes qui partent du cap Cantin s’en inspire. Elles s’enfoncent au milieu du continent vers Ouadan, de là vers Teghàzza, de Teghàzza vers Tombouctou, et de Tombouctou vers le royaume de Màli, qui est le plus déficitaire en sel, à soixante-dix journées à dos de chameau, jusqu’à des montagnes fort élevées. Là, le transport a lieu sur la tête à grande fatigue, et l’échange se fait à raison d’une mesure de sel pour une mesure d’or... Dans la province de Gangaran sur le Sénégal, l’Ophir où notre roi Salomon envoya ses vaisseaux, il y a des éléphants et des girafes dont j’ai vu un spécimen en 1524 à Florence. »

Benedetto Dei n’emprunta point, pour aller à Tombouctou, cette piste-là qui partait des côtes de l’Océan. Il pénétra dans le continent par un des ports méditerranéens qu’il cite, Tunis vraisemblablement, dont le Roi avait accordé au Doge, le 22 décembre 1320, des garanties pour les caravanes vénitiennes : liberté des pâturages pour leurs bêtes, poursuite des vols commis à leur dam, protection pour leurs courriers, aide et assistance à la première réquisition du consul de la République. Cette route, celle des caravanes qui amenaient à l’Hôtel des Monnaies de Kairouan, du temps d’Edrîsi, l’or soudanais, passait par Ouargla, — où l’on se souvenait encore, au temps du colonel Flatters, du tribut jadis payé à Tunis pour la sécurité des voyageurs, — par In-Salah ou Ksar el Kebir, par le Hoggar et par le point d’eau d’In-Ziza, marqués sur une carte majorquine de l’an 1413 dont nous parlerons. Rude itinéraire, par l’effroyable désert du Tanezrouft, qui coûtait à une caravane tunisienne allant à Tombouctou, vers l’époque de Benedetto Dei, les neuf dixièmes de son effectif, c’est celui que vient de parcourir l’auto-chenille Citroën.

Une troisième voie d’accès au Niger passait par Tlemcen et