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compte être à Venise... J’ai bien besoin de vous voir. J’ai lu Ferragus [1], qu’un de mes neveux avait acheté à Paris. Il n’a voulu, comme tant d’autres, de la Revue de Paris que ce qui venait de vous. Est-ce que vous écrivez encore dans quelques journaux ? A propos, imaginez-vous qu’un auteur soit si peu soigneux de son nom que Janin, qui ose signer un tas de sottises vulgaires auxquelles les Débats, si difficiles autrefois en critique et en feuilleton, ouvrent leurs feuilles débonnaires ? Toute obscure que je suis, je me couperais la main si elle pouvait tracer tant d’insignifiantes paroles. Ferragus est superbe, mais il a des taches qu’il faut lui enlever, parce qu’elles dénotent de l’irréflexion et que cela ne vous va pas. La grisette est de trop, toujours. Vous avez voulu placer la lettre trouvée en mauvais lieu. Vous vous êtes sacrifié à cela. Mais c’est une discussion longue ; je ne l’entamerai dans une lettre qu’alors que j’aurai perdu l’espoir de la soutenir de vive voix avec vous. Hors la grisette, parfaite du reste en son genre, mais hors-d’œuvre là, tout est admirable. J’attends religieusement le Médecin de Campagne. Ce sera la seconde œuvre purement morale que vous aurez faite, et je voudrais vous voir entièrement sur cette route. Mais, cher Honoré, pourquoi donc ne pas achever le Privilège, avant de commencer le troisième Dixain, puisque vous ne devez pas ce dernier livre ? Et toutes vos nouvelles éditions ? N’aurez-vous donc pas assez des corrections pour employer le temps où l’inspiration vous manquera ?

J’ai trouvé mes voisins lancés dans un nouveau monde. Moi, je m’isole de plus en plus, et attache beaucoup de prix à y réussir. Carraud, qui est presque guéri, vous promet de ne pas vous pistonner.

Le gnidia ou galant de miel, le volcaméria sont fleuris ; votre chambre aurait des fleurs !... Je serais étonnée que B. vous calomniât, parce qu’il est bon ; mais j’avoue aussi qu’il est bien léger, malgré son âge. Puis, il est sous l’influence des propos de M. Faucheux [2], qui se targue d’une intimité qu’il n’a pas, et vomit de délicieuses horreurs de vous, et qui ne vous aideront pas à trouver femme ! Puis, Hippolyte Fournier vous arrange à plaisir. Permettez à la plus désintéressée de vos amies de vous le dire : vous aussi, vous êtes parfois cruellement léger.

  1. Premier épisode de l’Histoire des Treize.
  2. Avocat à Tours.