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du livre est peut-être supérieur au premier dixain, mais je n’affirme rien ; l’incertitude de mon goût doit me donner beaucoup de réserve. Ce malheureux procès du Médecin de campagne m’a bien affligée. J’aurais voulu pour tout au monde que vous renonçassiez à votre droit.

Mon pauvre Honoré, vous êtes tant envié, tant calomnié, qu’il ne vous faudrait paraître sur la sellette que comme pensée ; l’homme ne devrait jamais y être, quelque argent qu’il pût en coûter. Vous ne laissez pas assez d’influence à l’ange consolateur ; je suis sûre en cela de lui être identique. Je maudis vos procès comme si j’étais votre femme. Quand on en parle devant moi, avec toute l’amplification de la sottise, tamisée de Paris jusqu’au fond de la province, je rougis, je suis embarrassée comme une coupable. Jetez donc là votre sot appartement, avec tous ses délices ; c’est lui qui vous vaut tant de soucis. Croyez-vous, Honoré, que les rideaux jaunes de la Poudrerie n’abritent pas autant d’élans nobles et généreux que vos soyeuses tentures ? Vous piller, c’est horrible ; ils voudraient vous faire plaider encore ; mais, pour Dieu, laissez-vous dépouiller sans en appeler à la justice salariée. Ne serez-vous pas vengé, tôt ou tard, par celle du public ? Qui donc peut se méprendre à vos créations et à votre style ?

Mais j’ai peine à m’expliquer comment on a pu vous dérober cela, si votre imprimeur ou votre libraire ne sont pas complices ? Et, s’ils le sont, leur position est entre vos mains, ne les employez plus. C’est une question d’argent, qu’elle ne vous souille pas ; quant à celle de gloire, elle sera toujours résolue en votre faveur ; votre touche est trop à vous pour que personne la puisse approcher. Ils vous volent, sans doute, et vous avez besoin d’argent ; mais n’existe-t-il donc pas un besoin plus pressant, et toujours intact ? Honoré, n’ayez plus de procès, même les plus justes du monde. Un procès perd un homme placé aussi haut que vous. J’aurais voulu vous écrire, vous dire tout ce que ce procès me mettait d’amertume au cœur, mais l’agitation que j’y apportais me mettait dans l’impossibilité de le faire. Je suis toute en désaccord. J’espère quelque chose de bains brûlants qui me sont ordonnés. J’ai la fièvre souvent. Si je savais vous voir bientôt, cela me donnerait du courage. Auguste est à Genève, s’extasiant depuis Thiers ; il est difficile de lui écrire maintenant ; où le prendre ? Le 1er septembre, il