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C’est donc à Angoulême que je vous attends, et avec bien de l’impatience. J’aimerais que vous y fussiez au plus tard le 18 : il s’agit d’une dinde truffée, confectionnée pour nous par le premier fabricant du lieu et que, vu son prix (72 fr.), nous payons avec les gains du jeu, amassés pendant tout l’hiver ! Il me faut un exemplaire vulgaire de Louis Lambert ; mais, cher, il ne me semble pas convenable qu’il me vienne encore de vous.

Adieu, venez vite, fuyez la fatigue de Paris ; nos jours sont bien beaux ; les voisins vous désirent plus que ne devait le faire présumer leur accueil passé ; la vieille dame fait faire une robe de satin noir pour vous, et elle a gardé son bonnet d’Herbault.

Adieu, Adieu.


Balzac ne donne pas signe de vie, il oublie sa promesse. Ses amis l’attendent impatiemment, tout est prêt pour le recevoir.


Le 13 février 1833.

Pas un mot de vous, Honoré, vous ne venez donc pas ? Mme Raison aura donc fait faire en vain sa robe de satih. Pourtant, je dois à la vérité de dire qu’elle est beaucoup plus occupée de la dinde aux truffes et du turbot que de l’admiration qu’elle professe pour vous. Cette lettre n’est pas destinée à vous solliciter, ce serait douter de votre bon vouloir pour moi, mais bien à satisfaire au désir que vous m’avez manifesté d’avoir l’adresse de M. Dejean [1]. Je la reçois à l’instant et vous la transmets de suite, quitte à ne vous dire que quelques mots. Vous avez déjà tant attendu que je mets du scrupule à vous faire attendre quelques heures de plus.

J’ai des nouvelles de votre service ; il va bon train, et montera à peu près à quatre cents francs, à ce que m’a écrit le fabricant. Cette couleur est très difficile à employer, en ce qu’elle ne donne pas toujours le même résultat au feu ; il est des pièces qu’il faut remettre au moufle sept à huit fois. Vous ne me répondez point pour les tasses. Quand vous le ferez, ne manquez pas de me dire le genre que vous préférez, si vous en voulez. Auguste m’a dit que vous aviez souffert du froid, que vous étiez tout souffreteux, et triste par conséquent ; mais venez donc ici, je ne laisserai pas le froid arriver jusqu’à vous. Du froid, d’ailleurs, nous n’en avons pas, pas du tout. Le printemps

  1. Un compagnon de voyage sur la route de Limoges. (Correspondance, I, 229.)