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présent n’a pas réclamé. Si elle le faisait, nous répondrions en dénonçant le traité d’interdiction, et en citant l’exemple de la France, qui s’est toujours refusée à rendre les déserteurs qu’elle incorpore dans la Légion étrangère.

Je prends la liberté de prier Votre Altesse de me faire savoir quelle sera l’attitude que compte prendre la France dans la question de la double élection du colonel Loupe. Nous l’avons fait examiner par notre Comité du contentieux diplomatique. Quoique composé d’hommes très conservateurs, il a été unanime pour en reconnaître la légalité. J’enverrai cet avis motivé à Villamarina pour qu’il s’en serve pour motiver son vote.

Je serais désolé que la France ne conservât pas le prestige qu’elle a acquis sur les populations riveraines du Danube, car ce prestige est un levier appliqué à la base de l’édifice vermoulu de l’Empire autrichien, qui peut, à un jour donné, fournir à l’Empereur les moyens de le détruire de fond en comble.

Je demande pardon à Votre Altesse d’abuser ainsi de sa bonté. Mais, connaissant l’intérêt qu’elle porte à la cause qui a toutes mes affections, j’oublie en causant avec elle les bornes que la discrétion devrait imposer à ma correspondance.

Je prie Votre Altesse de vouloir bien agréer l’hommage du respectueux dévouement avec lequel je suis, de Votre Altesse Impériale, le très humble serviteur.

C. CAVOUR.


Le roi Victor-Emmanuel au prince Napoléon.


Turin, 22 février 1859.

Cher beau-fils,

Je te remercie de ta bonne lettre qui me fit immensément de plaisir. Je ne peux t’exprimer le bonheur que j’éprouve en voyant que tu aimes Clotilde, et toutes les belles choses que tu me dis d’elle ; que le bon Dieu te bénisse !

Pour mes affaires, le projet de réponse à l’Angleterre va très bien ; nous l’avons bien étudié, et bientôt il sera en tes mains ; j’espère que cela ne changera en rien l’avenir de notre politique. Pour la prudence, je l’aurai, sois-en bien sûr. Maintenant