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ne pouvoir communiquer avec ses compatriotes wallons. Nous savons très bien quels immenses bienfaits nous devons au rayonnement du génie français, nous évaluons exactement la merveilleuse influence spirituelle et morale de la France dans le monde et nous ne désirons nullement nous en appauvrir.

« Cependant il faut s’entendre une bonne fois là-dessus, et distinguer : nous voulons accueillir aussi largement que possible l’influence française, mais nous sommes d’irréductibles adversaires de la francisation.

« Nous voulons savoir le français, mais nous voulons être des Flamands, et l’être tout à fait. Que l’on répande le français, du moment que la base est flamande, rien de mieux : mais qu’on ne le substitue pas à la langue maternelle. Voilà tout. »

A la vérité, la suppression de l’Université française de Gand n’apparaît point de nature à favoriser l’expansion de la langue française en Flandre... Mais les promoteurs de cette suppression ne manquent pas de faire état de la concession qu’ils ont acceptée : doublement des cours des Ecoles spéciales et inscription, au programme des examens des Facultés, d’une épreuve en français sur une des matières du programme. Ils ajoutent que la culture française se développera en raison directe du niveau d’intellectualité du peuple et que ce niveau ne se relèvera que par une culture complète dans sa langue maternelle. A ces considérations quelque peu conjecturales, on peut en ajouter d’autres moins spécieuses. C’est que la tradition et surtout la force des choses continueront à exercer leur empire. Il n’est pas probable que la langue française voie son aire de diffusion réduite en pays flamand, parce qu’il y existe et y subsistera des exigences générales et économiques plus puissantes que tous les moyens artificiels auxquels on voudrait recourir. Dans cette région du monde où, suivant l’image d’Emile Verhaeren,


La Lys et l’Escaut
Joignent les gestes clairs et souples de leurs eaux,


le courant des relations économiques et intellectuelles continuera fatalement à suivre la pente du sol et le cours des rivières. Cela est inévitable autant que cela est heureux.