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ne possède, — vis à vis du flamand, — une supériorité telle que de nombreux jeunes gens des provinces flamandes continueront de le préférer au flamand lui-même pour l’achèvement, de leur propre formation intellectuelle et scientifique.

Le second de ces arguments n’est pas plus péremptoire. Il s’inspire d’une sorte de dogmatisme régional et pourrait se formuler en une maxime de style tout classique : Cujus regio, ejus lingua. Le mouvement flamingant l’a d’ailleurs à peu près traduit dans une de ses devises favorites : « In Vlaanderen Vlaamsch ; » et un de ses mandataires au Parlement, M. le sénateur Carnoy, l’exposait sans ambages, dans un article que la Libre Belgique publia le 30 août 1922 : « Il faut, écrit M. Carnoy, organiser le pays flamand à la flamande, que l’éducation s’y donne normalement en néerlandais, que la vie officielle se fasse en cette langue et que tout tende à y favoriser une unité linguistique fondamentale et organique dans ce sens que le langage des classes supérieures influe constamment sur celui du peuple et, tout en permettant la différence des idées, contribue à affiner les sentiments et les manières. »

A cet idéal d’unification linguistique, dont la suppression des cours français à l’Université de Gand leur apparait comme une importante étape et un symbole, les antiflamingants ne manquent pas d’opposer le bilinguisme traditionnel des Flandres, le désir de nombreuses familles flamandes d’assurer à leurs enfants les avantages de l’enseignement en français et même l’intérêt qu’il y a à respecter, par le maintien de cet enseignement, un lien spirituel entre toutes les provinces belges.


Pour comprendre la permanence du « bilinguisme » en Flandre, il faut se rappeler, tout d’abord, que la différence qui existe entre Flamands et Wallons, est bien plutôt d’ordre ethnographique que d’ordre ethnique. En effet, les uns et les autres, tout comme la population du Nord de la France, se rattachent, dans leurs origines lointaines, à des tribus qui, venues de l’Est par vagues successives, se sont arrêtées et acclimatées en cette province des Gaules, et s’y sont mélangées de types divers. Les Wallons ont subi plus fortement l’influence de la culture latine. Les Flamands, dans la masse, y ont échappé davantage, à cause de deux obstacles naturels qui