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« Sans doute, disaient encore les promoteurs de la « flamandisation, » après avoir écarté le doublement des cours comme contraire aux conditions d’une bonne formation scientifique, sans doute, pour les jeunes gens nés à Gand ou dans les environs, qui désirent suivre des cours universitaires français, le système nouveau présente quelques inconvénients, mais ils se trouvent fortement atténués par les mesures de transition. Les objections de cet ordre disparaîtront graduellement, à mesure que l’on reconnaîtra davantage que la connaissance parfaite du flamand est une nécessité essentielle pour quiconque, en pays flamand, ne veut pas devenir étranger au milieu et au peuple parmi lequel il vit. C’est une vérité qu’on reconnaît de plus en plus et à bon droit, surtout pour les professions libérales. Enfin l’objection que nous rencontrons n’est pas décisive, car il faut bien reconnaître que les Universités ne sont point des institutions locales et que les mêmes inconvénients existent, indépendamment de toute question linguistique, pour presque tous les Belges, c’est-à-dire pour tous ceux qui n’habitent pas une ville universitaire. Il ne saurait y avoir sous ce rapport de droits acquis. »

Toute cette dialectique gravite, on l’aura remarqué, autour de deux arguments qui se retrouvent, plus ou moins nets et précis, dans la plupart des innombrables discours prononcés en faveur du « Gent of niets. » Un de ces arguments invoque la nécessité d’une parfaite égalité entre les deux langues nationales. « Que dans un pays comme la Belgique, écrit M. Poullet, un des parlementaires qui ont défendu la thèse de la flamandisation avec le plus d’ardeur et le plus de talent, on puisse maintenir, ne fût-ce qu’une ombre d’inégalité entre les deux races, les deux cultures, les deux langues et les deux régions du pays, c’est, qu’on me pardonne l’expression, de l’aberration ! » La faiblesse de cet argument est d’attribuer aux langues, comme telles, une égalité de droits que l’on peut revendiquer, à juste titre, au profit des citoyens qui emploient l’une ou l’autre de ces langues, mais qu’il est peu raisonnable et d’ailleurs tout à fait vain de vouloir établir artificiellement entre une langue d’usage international comme le français, et une langue d’usage local comme le flamand.

Toutes les lois du monde n’empêcheront pas que le français, instrument de haute civilisation dans le temps et dans l’espace,