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venue s’ajouter une sorte d’amour-propre ou de juste fierté, qui a grandi dans le cœur des Flamands, au fur et à mesure que leur langue a pris une valeur littéraire et intellectuelle de plus en plus remarquable. Depuis moins d’un siècle, toute une pléiade,— riche en talents, — est née et a essaimé : poètes, romanciers, nouvellistes, critiques d’art, dramaturges, orateurs, musiciens, journalistes, qui a révélé à ce peuple le génie, les ressources et le charme de sa propre langue, ou qui lui a, tout au moins, appris à les apprécier davantage. Cette école a cultivé deux tendances traditionnelles de l’âme flamande que l’on aurait tort de croire en contradiction fatale : son goût pour la rêverie, qui va volontiers jusqu’au mysticisme, et sa propension au réalisme, qui la pousse parfois jusqu’à la violence.

En défrichant de très nombreux esprits, cette école contribua du même coup aux progrès d’un mouvement politique qui s’était dessiné à partir de 1850, afin de conquérir à la langue flamande une plus large participation à notre vie nationale. Répondant à ce mouvement, toute une législation s’édifia peu à peu, réglant l’usage du flamand dans les actes de l’autorité, dans les publications officielles, dans le domaine judiciaire et administratif, dans l’enseignement primaire et moyen.

Il s’en faut toutefois, et de beaucoup, que cette législation, pour touffue qu’elle soit déjà, ait donné satisfaction aux aspirations des « flamingants. » (C’est de ce nom qu’on appelle en Belgique les militants du mouvement linguistique flamand.)

Leurs griefs ont pris, depuis la guerre, un ton plus vif et une allure plus accentuée. Pourquoi ? On a cherché le motif de cette recrudescence dans la diffusion des formules wilsoniennes qui ont eu partout pour résultat de réveiller les particularismes de race ou de langue. Il semble bien que l’explication soit moins lointaine, et qu’elle se trouve plutôt dans l’avènement en Belgique, peu après l’armistice, du suffrage universel pur et simple (un homme, une voix). Cette levée des vannes devait faire grossir les revendications flamandes, puisque ces revendications sont nettement démocratiques et qu’elles touchent à l’intime de l’âme populaire.

Les associations politiques leur ont donc été de plus en plus accueillantes. De nombreux candidats, que guettait le soupçon de modérantisme, se sont engagés à défendre un programme dit « programme minimum, » qui constitue le cahier actuel de