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La Belgique, qui possède l’unité nationale, et qui n’est parvenue à assurer cette unité dans la plénitude de la souveraineté et de l’indépendance qu’au prix d’un très long et très dur effort, n’a jamais connu l’unité linguistique. Sa population se partage, presque par moitié, entre deux langues maternelles différentes. Le dernier recensement officiel, qui date de 1910, donne, pour les neuf provinces du royaume, le chiffre de 7 423 784 habitants de tout âge. Dans cette population, 2 833 334 habitants parlent exclusivement le français ; 3 220 662 habitants parlent exclusivement le flamand ; 871 228 habitants parlent à la fois le français et le flamand.

L’exactitude de ces chiffres a été contestée. On peut admettre qu’ils n’ont qu’une valeur approximative, ainsi qu’il en est d’ailleurs de toutes les statistiques. En tout cas, on s’accorde à reconnaître que plus de la moitié des citoyens belges d’âge adulte a le flamand pour langue maternelle, et que si le flamand parlé dans les deux Flandres n’est pas tout à fait le même que celui employé dans le Brabant ou dans le Limbourg, tous ces dialectes régionaux tendent de plus en plus à s’unifier et ne diffèrent guère de la langue néerlandaise que par des locutions particulières et certains idiotismes de prononciation, d’orthographe et de construction grammaticale.

A côté de la langue flamande, la langue française n’a jamais cessé d’être employée dans les provinces flamandes par une partie considérable de la population de ces provinces. Considérable en nombre, mais surtout en importance sociale. En effet, à un niveau intellectuel quelque peu élevé, à un certain degré de développement et de culture, le besoin de s’assurer une langue d’un rayonnement plus étendu, joint à la pénétration constante de l’influence gallo-romaine, puis de l’influence française, a toujours fait qu’en Flandre l’aristocratie, la bourgeoisie des rentiers, des industriels, des carrières libérales, les « intellectuels, » les hommes d’affaires, et la majorité des négociants et des commis, tout au moins dans les villes, connaissent le français et l’emploient couramment. Il arrive même que, dans ces milieux, le flamand soit délaissé au point d’être à peu près ignoré. Il n’est pas rare de rencontrer dans des localités importantes ou même secondaires situées en plein pays flamand, des