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contre 85 et 7 abstentions, une proposition de loi dont l’article 1er décide que, désormais, l’enseignement à Gand sera donné en flamand dans les quatre Facultés. Il a été admis, en même temps, que dans les Ecoles spéciales, par égard pour les étudiants étrangers qui y sont nombreux, les cours seraient donnés dans les deux langues. Quant aux professeurs des Facultés qui sont actuellement en fonctions, ils seront invités, dit l’article 8 de la loi, à donner leurs leçons en flamand. S’ils n’y consentent pas (et beaucoup d’entre eux ne seraient pas en état de le faire), il sera créé un cours fait en flamand à côté du cours fait en français, et les étudiants auront le choix. A cette réserve près, tous les professeurs nommés après la promulgation de la loi donneront leurs cours en flamand, et l’enseignement en langue française s’éteindra ainsi à petit feu, au fur et à mesure que l’âge ou la mort frapperont dans les rangs des professeurs actuels. Reconnaissant toutefois l’utilité que présenterait, dans ce régime futur, la connaissance de la langue française pour des étudiants destinés à exercer des fonctions ou des professions libérales en Belgique, un article 3, qui a été introduit dans la proposition à titre d’amendement transactionnel, prévoit que « le récipiendaire, pour mériter son diplôme final, doit avoir été interrogé en français sur les matières enseignées dans l’un des cours prescrits au programme des examens et avoir obtenu dans cet interrogatoire la moyenne des points. »

Cette importante réforme, qu’il appartient désormais au Sénat de ratifier ou de modifier, est de nature, on le comprend, à retentir profondément sur les destinées de l’Université gantoise. Elle donne satisfaction à ceux qui réclament l’organisation d’un enseignement supérieur complet en langue flamande. Mais elle va au delà de cette revendication parce qu’elle entraîne la suppression graduelle d’un enseignement universitaire de langue française dont l’utilité est appréciée à Gand depuis un siècle et dont beaucoup de familles désirent le maintien. A la satisfaction des uns répondent les protestations ou les inquiétudes des autres. Tel est, dans ses aspects les plus apparents, le problème de l’Université de Gand. Mais ce serait une erreur de croire qu’il se réduit à ces données. Il ne prend toute son ampleur et sa complexité véritables, que si on le rattache à quelques considérations générales sur la coexistence en Belgique des deux principales langues qui y sont usitées de temps immémorial.