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M. J.-J. Rey est très libéral, radical même, mais il appartient à ce qu’on appelle, en Savoie, le parti français.

Si Votre Altesse croit utile la fondation à Chambéry d’un journal qui prêche la guerre en Italie et prépare les esprits à la réunion de la Savoie à la France, l’œuvre de M. Rey peut être utile, et sa proposition prise en considération.

Dans ce cas, je prierais Votre Altesse d’un mot de réponse, afin que je fasse partir M. Rey avec une lettre pour Votre Altesse.


Le roi Victor-Emmanuel au prince Napoléon.


Turin, le 15 février 1859.

Mon cher gendre,

J’espère que tu seras un peu reposé de toutes tes fatigues et que Clotilde sera bonne pour toi. Voilà tout ce que je désire de tout mon cœur. A présent, à nos affaires.

Je reçois une lettre de l’Empereur qui me donne toujours des espérances pour l’avenir, mais me donne aussi beaucoup de craintes : ayant l’air de renvoyer la question bien loin, il me parle de la Prusse et de l’Angleterre qui se font toujours plus hostiles à nos affaires, me dit de ne pas appeler de troupes sous les armes, et, pour le moment, de s’en tenir à faire des approvisionnements, attendant que le temps et les circonstances nous aident. Avec tout cela, j’entends parler de réunir nouvellement des conférences à Paris pour les circonstances du moment ; je ne voudrais pas que l’Angleterre traitât la question Italie au sens de la paix éternelle, c’est-à-dire mort, ou, en traînant in æternum la chose, nous renvoyât à des époques illimitées ; tout cela m’effraye, car, comme tu sais, je suis l’oiseau des tempêtes et ne serai heureux que lorsque le canon ronflera.

Je te prie donc de m’éclairer sur ceci, et envoie-moi la lettre d’une manière sûre. J’ai lu Napoléon III et l’Italie, la question est très bien traitée en tous les sens. Je voudrais que cela servit à quelque chose ; on nous fait devenir même schismatiques. Quel effroi, attaquer le ciel et la terre ! Adieu, présente mes amitiés à tout le monde, car je vous aime tous bien de cœur. Adieu.

Ton très affectionné beau-père

VICTOR-EMMANUEL.