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Vous voyez que cela n’est pas bien positif, et qu’en somme Canrobert est libre d’agir comme il le croira.

Notre armée est loin d’être prête. Avant de pouvoir agir vigoureusement, il nous faudra trois semaines. L’inertie et le mauvais vouloir des ministres portent leurs fruits.

Ne vous faites pas d’illusion sur le temps qu’il faut à l’armée française : que le Roi et La Marmora le sachent.

Ecrivez-moi, aussi souvent que possible, moindre mouvement des Autrichiens. J’attends de vos nouvelles au moins trois fois par jour, autant que possible en chiffres.

L’opinion publique en France est excellente, l’armée admirable d’entrain. Politiquement, cela va très bien, sauf le changement de ministère que je ne puis obtenir, mais, militairement, je crains échec pour vous au premier moment.


Cavour répond par des nouvelles des révolutions provoquées par ses agents, et fait part de ses craintes au sujet d’une tentative de médiation des Anglais.

Les Autrichiens ne sont pas entrés aujourd’hui ; ce retard, inexplicable par des motifs militaires, est probablement le résultat d’intrigues de l’Angleterre. Supplie Empereur de ne pas s’y laisser prendre. Enthousiasme est ici à son comble. Dans la Toscane et à Massa-Carrara, nouvelle de l’arrivée des Français a produit la plus grande agitation qui a suffi, sans le moindre désordre, à déterminer la fuite du Grand-Duc et la retraite des Modénais. A Florence, comme à Massa, on veut proclamer Roi de Sardaigne. J’ai insisté pour qu’on nommât des gouvernements provisoires et une espèce de dictature militaire que l’on pourrait confier à Ulloa. Quel est l’avis de l’Empereur ?


Le Prince répond aussitôt, le 28, à deux heures dix du soir :

Inaction des Autrichiens provient de médiation des Anglais qui intriguent horriblement.

L’Empereur me charge de vous dire qu’il tâchera de répondre de façon à gagner quelques jours qui donnent temps à nos troupes d’arriver chez vous, et de façon à ce que l’Autriche ne puisse accepter. Quant aux préparatifs militaires, nous les continuons plus que jamais. Dans deux jours, toute la Garde aura quitté Paris. Ordre à Canrobert, etc., à Gênes, de se presser tant qu’ils peuvent.