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désarmer immédiatement, et à la Prusse, qui se contentait de l’admission du principe, que nous ne pouvions consentir ni à une chose ni à une autre, si on nous refusait l’admission au Congrès.

Maintenant, si nous entrons au Congrès, et qu’il faille désarmer, je déclare à Votre Altesse que je ne puis me faire une idée de ce qui arrivera. Nous pourrons faire accepter le renvoi des contingents, mais, s’il faut mettre à la porte les volontaires, il est probable, pour ne pas dire certain, que nous aurons des désordres à l’intérieur et la révolution à nos portes. Il faut que Mazzini ait flairé cette éventualité, car on m’assure qu’il a quitté l’Angleterre pour se rapprocher de nous et peut-être même pour venir se cacher dans Gênes.

Il serait possible que l’Angleterre l’encourage dans ses folles entreprises pour s’en faire au besoin une arme contre nous.

J’envisage d’un œil calme l’avenir : mais il est de mon devoir de faire savoir à l’Empereur que, le jour où nous aurons lâché sur l’Italie les 12 000 volontaires qui sont dans notre armée, nous ne sommes plus maîtres de la situation et nous serons entraînés Dieu sait où. Par conséquent, je suis réduit à faire des vœux ardents pour que l’Autriche, dans un moment de mauvaise humeur, nous attaque. Dussions-nous succomber les armes à la main, ce serait moins mal que de tomber dans le désordre et l’anarchie : ou d’être forcé à faire de l’ordre à la façon du roi de Naples. Dans ce moment, nous avons une force morale immense qui vaut une armée. Une fois que nous l’aurons perdue, rien ne nous la rendra plus.

Afin de dissiper le triste effet sur l’humeur de Votre Altesse que doivent produire ces fâcheuses prévisions, je prends la liberté de lui adresser une pastorale de l’évêque de Cagli [1] qui est de nature à édifier le public de l’univers.

Je prie Votre Altesse d’agréer l’hommage de mon respectueux dévouement.

CAVOUR.


Le Prince répond le 19, à 3 heures après midi, à la dépêche que Cavour lui avait expédiée le 18 :

  1. Ville de l’État ecclésiastique, à 22 kilomètres d’Urbino.