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débarquons avec quelque difficulté, car la mer, qui nous semble calme au large, vient briser fortement contre le quai assez peu protégé ; il nous faut employer le procédé bien connu de tous les riverains dans les pays où sévit le phénomène de la barre : un fauteuil d’osier descend d’un treuil dans l’embarcation qui accoste ; le voyageur s’assied dans ce siège, et quand la lame soulève l’embarcation, on hisse le fauteuil, qui, après avoir décrit en l’air un quart de cercle, descend doucement sur la terre ferme, où généralement le voyageur-colis est fort satisfait de se retrouver. L’habitude de ce spectacle lui enlève tout comique aux yeux des habitants.

Nous gravissons une pente assez raide, coupée d’escaliers, du haut de laquelle l’alcade nous reçoit par un beau discours ; il nous ramène au Club, où il faut faire raison de plusieurs toasts très cordiaux. Ensuite, nous visitons la ville : deux rues parallèles à la côte, avec quelques hôtels convenablement bâtis et des maisons d’exportation bien installées. Le chemin de fer Sud-Péruvien a ici sa tête de ligne ; après avoir franchi les Andes, il bifurque d’une part sur Puno, où le lac Titicaca ouvre des communications avec La Paz et toute la Bolivie, et d’autre part sur Cuzco, l’antique capitale des Incas. Nous parcourerons les deux lignes en entier.

A trois heures, nous nous embarquons dans le train spécial mis à ma disposition et formé de confortables Pullmann-cars.. Nous partons aussitôt, et nous longeons la côte pendant une quinzaine de kilomètres. Puis la voie ferrée tourne brusquement à gauche vers le Nord-Est et s’élance à l’escalade de la montagne qu’elle côtoyait jusque-là. Quoique assez raides, les pentes sont pourtant moins abruptes qu’à l’Est de Lima et des courbes bien conduites suffisent pour gagner de la hauteur, sans qu’on soit obligé à des lacets en épis comme dans l’autre transandin. Les détours de la voie nous montrent par moments, vers le Sud, une vallée fertile et verdoyante où nous distinguons les cultures de canne à sucre et de coton.

Nous entrons dans la zone des nuages, qui se font de plus en plus épais ; la température se rafraîchit ; l’eau de condensation fait ruisseler la surface extérieure des wagons et se dépose sur nos manteaux. Un peu d’herbe, quelques arbustes apparaissent au milieu des rochers. Nous marchons depuis deux heures quand la voie devient horizontale ; à 1 200 mètres d’altitude nous avons