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particuliers, sauf quelques aimables attentions auxquelles il est très sensible ; un port de tête relevé et une lippe inférieure très prononcée lui donnent un air avantageux qu’il partage avec le chameau et qui lui nuit dans l’esprit des étrangers, mais il a de si beaux yeux, doux et humides, que cette mauvaise impression ne dure pas. Les conducteurs, — les Arriéros, — l’aiment beaucoup, et le lama de tête, dans chaque caravane, a les oreilles percées pour pouvoir s’orner de houppettes multicolores. Le mulet, plus rapide, fait de plus longues étapes, et porte une plus lourde charge, mais il réclame du grain, qui coûte cher, et finalement les transports à dos de lama sont les plus économiques.

Quels que soient les animaux qui composent une caravane, sa rencontre est toujours assez délicate dans une route étroite, et bordée d’un précipice. Au bruit des automobiles, les conducteurs se précipitent sur l’animal de tête, le flattent de la main et lui prodiguent les plus tendres encouragements ; le chauffeur ralentit et met sa machine au pas ; mais presque toujours un ou deux animaux prennent peur et s’enfuient en secouant leur charge. Quelle peine et quelle perte de temps pour les malheureux conducteurs ! On m’affirme que les accidents sont très rares.

Les chauffeurs sont très adroits et conduisent admirablement, malgré les sinuosités de la route, qui n’ont pas été calculées pour l’automobile. On voit souvent la voiture qui vous précède cheminer quelques instants sur trois roues, la quatrième surplombant le précipice. C’est naturellement aux passages les plus dangereux que la situation se présente, et l’on se dit que, dans quelques secondes, on se trouvera dans les mêmes conditions, mais puisque la première voiture a franchi sans encombre le mauvais pas, il n’y a aucune raison pour que tout le monde n’en fasse pas autant.

De grands arbres poussent à travers les rochers où n’apparait nulle trace de terre végétale, mais nous sommes sous les tropiques, dans un pays de pluies fréquentes et diluviennes, et le fait n’est pas surprenant. Cette végétation luxuriante, sur des montagnes dont certaines pentes sont presque verticales, est d’un effet très pittoresque. Certaines collines de 300 à 400 mètres de hauteur, et dont le sommet seul est arrondi, ont la forme de pain de sucre, l’une d’elles porte ce nom.