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Plusieurs milliers de puits sont forés dans la ville même, à 4 300 mètres d’altitude ; quelques villages des Andes sont plus haut perchés, mais, avec ses 30 000 habitants, Cerro de Pasco est certainement la ville la plus élevée du monde. En outre, toute la région est intéressante : c’est un nœud de montagnes où se réunissent les trois Cordillères venant du Nord et d’où partent deux Cordillères vers le Sud. Le Maranon, branche principale de l’Amazone, sort du petit lac de Lauricocha, situé non loin de là ; enfin nous passerions par Junin, champ de bataille où s’est décidée l’indépendance... Mais il faut choisir à temps et, ne pouvant tout voir, nous nous sommes décidés pour la descente dans le bassin de l’Amazone. Je m’en excuse auprès des ingénieurs américains qui me font à leur cercle un accueil des plus chaleureux, et qui joignent leurs instances à celles du préfet, et nous partons en automobile découvert pour Tarma.

Le soleil est près de se coucher quand nous quittons la Oroya et nous montre les pics neigeux, les contre-pentes dénudées et une route bien tracée dans un pays où l’on ne voit aucune trace de culture. La nuit est complète quand nous traversons la Cordillère occidentale. Tarma se révèle par ses feux Des porteurs de torches et une musique nous attendent aux portes de la ville et un cortège se forme aussitôt ; les maisons sont illuminées ; des feux de bengale éclairent les places publiques ; de tous les balcons pleuvent des fleurs. Dans les acclamations de la foule compacte, revient sans cesse le nom de Verdun ; nous arrivons à l’Hôtel de Ville où les autorités municipales me haranguent, et toujours reviennent les sentiments d’admiration et de reconnaissance pour la France émancipatrice, qui vient de sauver la liberté du monde.

Comment n’être pas touché de trouver sur le sommet des Andes de tels accents, et une pareille connaissance de la dernière guerre, dont les événements sont au moins aussi connus et aussi bien compris qu’en France ? J’essaie d’exprimer brièvement l’émotion que j’éprouve, et la conversation générale s’engage.

A onze heures du soir, un grand banquet nous réunit à tous les notables de la contrée. Assez de Péruviens parlent français pour que tous puissent s’exprimer en trouvant des interprètes, et rien n’est plus utile que ces réceptions où la glace officielle se fond rapidement.