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certain point, appuyé par les Italiens. La Commission des réparations qui, le 28 décembre, avait déjà constaté, par trois voix contre une, celle de sir John Bradbury, un « manquement volontaire » de l’Allemagne dans la fourniture des bois, s’apprête, sous la présidence vigilante de M. Barthou, après avoir le 8 entendu les explications des Allemands, à constater le 9 ou le 10, dans les mêmes conditions, un « manquement volontaire » dans la fourniture des charbons. Aux termes du traité, c’est assez pour que nous soyons, solidairement ou isolément, fondés à exercer une action de coercition et à prendre des gages sans que l’Allemagne ait le droit de considérer ces mesures comme un acte hostile. A moins d’événement imprévu, à l’heure où la Revue paraîtra, les troupes franco-belges auront escorté et installé à Essen et à Bochum les fonctionnaires chargés d’organiser la prise des gages. Au moment où la France et la Belgique entrent résolument dans la voie nouvelle d’une politique de contrainte, il importe de bien préciser que cette contrainte, elles l’exercent seulement parce que la mauvaise volonté constante de l’Allemagne leur a fermé toute autre issue, et qu’elles ne l’exerceront que dans la mesure nécessaire pour amener l’Allemagne à prendre les moyens efficaces pour arriver à payer ce qu’elle doit et ce qu’il est juste qu’elle répare. La France ne désire pas rester dans la Ruhr ; elle comprend parfaitement que la présence de troupes étrangères dans la région la plus riche de l’Allemagne peut y gêner l’essor de l’industrie ; mais il dépend de l’Allemagne que nous y demeurions peu de temps ; une fois encore, c’est elle-même qui décidera de son sort. Les cris de rage de la presse qui dépend des magnats de l’industrie et des mines ne nous intimident pas ; ils ne prouvent qu’une chose, c’est que la politique française a frappé juste et qu’elle atteint ceux-là mêmes qui, dans un intérêt personnel, font le malheur de l’Allemagne et troublent l’Europe.

La Conférence de Lausanne s’achemine-t-elle lentement, elle aussi, vers la rupture ? L’intransigeance d’Angora pourrait, à certains moments, le faire croire. On attendait l’issue de la Conférence de Paris dont les résultats cependant n’auront qu’une faible réaction sur celle de Lausanne. La France continuera de travailler de tout son cœur à une pacification que les peuples et les armées souhaitent sans exception. Elle ne cherchera pas à contrecarrer les intérêts légitimes de l’Empire britannique, mais il est certain aussi qu’elle ne se fera pas tuer sur le Bosphore pour soutenir des intérêts spécifiquement anglais quand l’Angleterre nous laisse agir seuls sur le Rhin ; nous