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passagères, les héroïques souvenirs de la guerre et le culte des morts feront survivre le sentiment bienfaisant d’une solidarité profonde et d’une irréductible amitié entre les deux peuples. Les témoins de cette ultime séance, à la fois si cordiale et si douloureuse, ont eu l’impression que les événements étaient dominés par des forces occultes supérieures à la volonté des hommes d’État ; c’est pour se mettre en garde contre la dangereuse tyrannie de ces puissances anonymes qu’il faudra que les Gouvernements et les peuples se comprennent mieux et s’entr’aident plus étroitement.

La situation de M. Bonar Law, rentré chez lui le 5, ne laisse pas que d’être assez difficile ; il est approuvé surtout par la presse qui, aux élections, combattait contre lui ; elle réclame aujourd’hui qu’on en vienne à une révision du traité de Versailles « qui n’a pas été donné sur le Mont Sinaï. » Sa politique n’est même pas approuvée par toute la haute banque. Elle est vigoureusement critiquée par des organes tels que le Daily Mail qui écrivait dès le 4 : « M. Bonar Law nous avait promis l’apaisement général. Et moins de deux mois après sa victoire, il met l’Entente en danger et jette par son attitude la consternation parmi les Alliés. Qui donc inspire le Premier ministre britannique ? M. Bonar Law et ses collègues savaient parfaitement bien que les demandes de la France avaient été réduites au strict minimum ; leur devoir était d’éviter un désaccord formel et public et de ne pas élaborer un projet entièrement différent et presque provocant. Pourquoi ont-ils publié un plan qu’ils savaient devoir être rejeté immédiatement par la France ? Nous désapprouvons le plan britannique parce qu’il donne à l’Allemagne quatre années de répit et qu’il nous laisse sans la moindre garantie qu’elle fera face à ses obligations après ce délai. Les Allemands nous ont joué constamment dans le passé ; si l’expérience compte pour quelque chose, ils feront de même dans l’avenir : c’est pourquoi la France demande des garanties et la France a raison. » C’est le langage même du bon sens. Nous demandons à M. Bonar Law d’être un spectateur bienveillant et impartial de l’expérience décisive que le Gouvernement français va instituer et de veiller à ce que ses concitoyens ne cherchent pas à en entraver la marche ou à en fausser les résultats pour se justifier d’en avoir prophétisé l’échec.

Le Gouvernement français, depuis le 5, s’engage fermement dans la voie nouvelle qu’il n’a pas choisie mais qui, après l’échec de la Conférence, lui reste seule ouverte. Il a la satisfaction profonde d’y être accompagné effectivement par les Belges et même, jusqu’à un