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revenait à l’état normal et qu’un tremblement de terre engloutit l’Allemagne entière, nous y gagnerions beaucoup, l’Allemagne devant être pour nous une rivale et une concurrente bien plus encore qu’une cliente. » Le Premier est certainement sincère ; mais tout se passe comme si une sorte d’harmonie préétablie existait entre le plan britannique et les vœux du Gouvernement allemand. Il suffit, pour en avoir l’impression, de lire le discours prononcé le 31 décembre, à Hambourg, par le chancelier Cuno ; il y esquisse un programme qui, par certains côtés, serait moins inacceptable que celui des Anglais, mais il s’y élève surtout par avance contre toute prise de gages. « La solution définitive devra apporter au peuple allemand la liberté économique et l’égalité de traitement ainsi que la fin de l’occupation militaire. Il faut que Düsseldorf, Duisbourg et Ruhrort soient évacués La solution définitive doit être une renonciation à toute politique de sanctions, de rétorsions et de mesures coercitives... Ceux qui demandent des gages ne poursuivent qu’un but politique, et, s’ils les prennent, ils violent le traité et commettent un acte de violence. » C’est vraiment trop clair ! En Angleterre, en Amérique, en Allemagne, la même manœuvre se dessine ; il s’agit, par avance, de faire croire que la France, quand elle s’engagera dans la voie des prises de gages, ne poursuivra qu’un but politique : séparer la Rhénanie de l’Allemagne. Les mêmes craintes historiques hantent l’Allemagne, l’Angleterre, et même l’Amérique. La diversion que le chancelier Cuno a tentée par l’intermédiaire de Washington en est la preuve : ici encore, il ne s’agit que d’une assez grossière amorce pour tromper l’opinion : l’Allemagne nous faisait offrir par le canal de M. Hughes une sorte de pacte de non-agression valable pour trente ans à la condition que soit évacué tout le territoire allemand, y compris la Sarre. Comme dans l’offre de M. Lloyd George à M. Briand à Cannes, il n’était question que d’une agression directe ; si la France s’y laissait prendre, tous les nouveaux Etats de l’Europe centrale resteraient à la merci de l’Allemagne. M. Poincaré a relevé avec vigueur tout ce qu’une pareille proposition a de fallacieux, d’illusoire, de dangereux. Ainsi se révèlent çà et là, en Allemagne, en Angleterre, aux États-Unis, les indices d’une sorte de complot dirigé contre la France et inspiré par la haute finance internationale.

Le projet britannique est apparu à la Conférence d’autant moins acceptable que celui de M. Poincaré était plus mesuré et plus prudent ; on peut même dire qu’il atteignait l’extrême limite des concessions possibles, puisqu’il admettait l’annulation totale des bons C,