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REVUE MUSICALE


Théâtre de l’Opéra : La Flûte Enchantée. — Théâtre de l’Opéra-Comique : Polyphème, drame lyrique en quatre actes et cinq tableaux ; poème d’Albert Samain, musique de M. Jean Cras.


Mozart n’eut jamais de plus fervent adorateur qu’un de ses compatriotes, Grillparzer, le grand poète autrichien. Né l’année même où Mozart mourut, Grillparzer apprit à l’aimer dès son enfance, et sur les genoux de sa bonne. Celle-ci, raconte-t-il, avait « créé » un singe dans la Flûte Enchantée (on n’a pas vu de singe parmi les figurants de l’Opéra). Et cet honneur demeurait le plus cher souvenir de l’humble fille. Elle ne possédait que deux livres : son recueil de prières et le livret de la Flûte Enchantée. L’enfant en connut par elle toutes les merveilles. Quand il passa des paroles à la musique, son enthousiasme redoubla. Plus tard il écrivait : « La musique de ce temps-là n’est pas pour moi de la musique : en elle est ma vie, en elle chante ma jeunesse. C’est tout ce que j’ai pensé, rêvé, senti dans mes meilleures années. C’est pour cela qu’aucune musique venue depuis ne l’a value à mes yeux. »

Une autre fois, plus d’une autre, le poète a parlé de son musicien bien-aimé en des termes qu’on ne saurait assez rappeler, car ils disent l’essentiel : « Il s’est attaché fermement à tes éternelles énigmes, ô toi, l’œil de l’âme, oreille qui sens tout. Ce qui n’entrait point par cette porte lui paraissait un caprice de l’homme et non point la parole divine, et demeurait banni de son cercle de lumière. »

Ceci encore, devant la statue du maître : « Vous le nommez grand ! Il l’est en effet, parce qu’il s’est limité. Ce qu’il a fait et ce qu’il s’est interdit pèse d’un poids égal dans la balance de sa renommée. Parce qu’il n’a jamais voulu plus que ce que doivent vouloir les hommes, l’ordre : « Il le faut » sort de tout ce qu’il a créé. Il a