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mariage. Il dit en riant qu’il était possible qu’il eût dit quelquefois du mal de son cousin à Votre Majesté, car souvent il avait été en colère contre lui, mais qu’au fond, il l’aimait tendrement, parce qu’il avait d’excellentes qualités, et que, depuis quelques mois, il se conduisait de manière à se concilier l’estime et l’affection de la France. « Napoléon, ajouta-t-il, vaut beaucoup mieux que sa réputation : il est frondeur, aime la contradiction, mais il a beaucoup d’esprit, pas mal de jugement et un cœur très bon. » Ceci est vrai : que Napoléon ait de l’esprit, Votre Majesté a pu en juger et je pourrais le certifier d’après les nombreuses conversations que j’ai eues avec lui. Qu’il ait du jugement, sa conduite, depuis l’Exposition qu’il a présidée, le prouve. Enfin, que son cœur soit bon, la constance dont il a fait preuve, soit envers ses amis, soit envers ses maîtresses, en est une preuve sans réplique. Un homme sans cœur n’aurait pas quitté Paris, au milieu des plaisirs du carnaval, pour aller faire une dernière visite à Rachel qui se mourait à Cannes, et cela, bien qu’il s’en fût séparé quatre années plus tôt.

Dans mes réponses à l’Empereur, je me suis toujours étudié à ne pas le blesser, tout en évitant de prendre un engagement quelconque. A la fin de la journée, au moment de nous séparer, l’Empereur me dit : « Je comprends que le Roi ait une répugnance à marier sa fille si jeune, aussi je n’insisterai pas pour que le mariage ait lieu de suite ; je serais tout disposé à attendre un an et plus, s’il le faut. Tout ce que je désire, c’est de savoir à quoi m’en tenir. Veuillez, en conséquence, prier le Roi de consulter sa fille et de me faire connaître ses intentions d’une manière positive. S’il consent au mariage, qu’il en fixe l’époque ; je ne demande d’autres engagements que notre parole réciproquement donnée et reçue. Là-dessus, nous nous sommes quittés. L’Empereur, en me serrant la main, me congédia en me disant : « Ayez confiance en moi comme j’ai confiance en vous. »

Votre Majesté voit que j’ai suivi fidèlement ses instructions. L’Empereur n’ayant point fait du mariage de la princesse Clotilde une condition sine quâ non de l’Alliance, je n’ai pas pris à ce sujet le moindre engagement, ni contracté une obligation quelconque.

Maintenant, je prie Votre Majesté de me permettre de lui exprimer, d’une façon franche et précise, mon opinion sur une question de laquelle peut dépendre le succès de la plus glorieuse