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Mais tout fut remis en question lorsque le spectroscope, entre les mains d’Huggins, eut montré que le spectre de beaucoup de nébuleuses consiste en un certain nombre de raies brillantes prouvant leur constitution purement gazeuse et excluant par conséquent la possibilité qu’elles soient formées d’étoiles. Ces étoiles ont en effet un spectre continu à faibles raies noires.

Toute la confusion qui régnait à dater de ce moment dans le problème ne tarda pas à se dissiper.

On remarqua qu’à côté des nébuleuses à spectre gazeux révélées par Huggins, qui ont souvent des formes circulaires ou irrégulières, et que l’on est à peu près d’accord pour situer dans la Voie lactée, des autres nébuleuses affectant la forme de spirales ont au contraire un spectre continu. La réalité de cette forme spirale soupçonnée par Lord Ross dans beaucoup de nébuleuses faibles a été réellement prouvée et mise hors de doute par les admirables photographies de Roberts en Angleterre puis de Keeler à l’Observatoire Lick (États-Unis). Celui-ci fît, il y a un quart de siècle, des jaugeages photographiques d’où il résultait que 120 000 nébuleuses spirales au moins existaient, qui étaient accessibles à son télescope.

Pourtant le coup porté à la théorie des Univers-Iles par la découverte de Huggins avait été si fort, que les nébuleuses spirales, en dépit de leur spectre continu, continuèrent un temps à être considérées comme des masses gazeuses faisant partie de la Voie lactée. On interpréta leur spectre particulier en supposant que les gaz y étaient seulement beaucoup plus denses que dans les nébuleuses à raies brillantes. On sait, en effet, que, sous une forte pression, les raies spectrales brillantes des gaz s’élargissent et tendent à se réunir en formant un fond continu.

Comme les nébuleuses annulaires (comme celle de la Lyre) sont infiniment plus rares que les spirales, on considéra que la formation cosmogonique d’une étoile à partir d’une nébuleuse telle que l’avait connue Laplace, et telle que semblent la manifester les nébuleuses annulaires, est exceptionnelle. Des théories nouvelles surgirent, élaborées notamment par Moulton, et qui tendaient à faire sortir chaque système solaire d’une nébuleuse spirale.

Dans tout cela, les nébuleuses spirales ne cessaient pas d’être considérées comme des masses gazeuses relativement peu étendues et annexées à la vaste masse de la Voie lactée.