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demandant quelles étaient les intentions de Votre Majesté à cet égard. Je répondis que Votre Majesté s’était trouvée dans une position fort embarrassante, lorsque je lui avais communiqué les ouvertures que Bixio m’avait faites [1] ; car elle avait eu des doutes sur le prix que lui, l’Empereur, y attachait ; que, se rappelant certaine conversation que Votre Majesté avait eue avec lui à Paris, en 1855, au sujet du prince Napoléon, et de ses projets de mariage avec la duchesse de Gênes, elle ne savait trop à quoi s’en tenir. J’ajoutai que cette incertitude avait augmenté à la suite de l’entretien de Votre Majesté avec le docteur Conneau qui, pressé de toute façon par elle, par moi, avait déclaré n’avoir non seulement aucune instruction, mais encore ignorer complètement ce que l’Empereur pensait à cet égard.

J’ajoutai que Votre Majesté, bien qu’attachant un prix immense à faire ce qui lui pourrait être agréable, avait une grande répugnance à marier sa fille à cause de son jeune âge et ne savait lui imposer un choix auquel elle se résignerait ; que quant à Votre Majesté, si l’Empereur le désirait beaucoup, elle n’avait pas d’objections invincibles à faire au mariage, mais qu’elle voulait laisser une entière liberté à sa fille.

L’Empereur répondit qu’il désirait vivement le mariage de son cousin avec la princesse Clotilde, qu’une alliance avec la famille de Savoie serait de toutes celle qu’il préférerait, que, s’il n’avait pas chargé Conneau d’en parler à Votre Majesté, c’est qu’il ne croyait pas devoir faire des démarches auprès d’elle sans être certain d’avance qu’elles seraient agréées. Quant à la conversation avec Votre Majesté que je lui avais rappelée, l’Empereur a eu l’air de ne pas s’en souvenir ; puis, au bout de quelque temps, il m’a dit : « Je me rappelle fort bien avoir dit au Roi que mon cousin avait eu tort de demander la main de la duchesse de Gênes [2] , mais c’était parce que je trouvais inconvenant qu’il fût parlé de mariage peu de mois après la mort de son mari.

L’Empereur revint à plusieurs reprises sur la question du

  1. La première indication relative aux projets matrimoniaux du prince Napoléon, date du 15 septembre 1857 et se rencontre dans une lettre qu’adresse Cavour à Urbain Rattazzi. (Chiala, II, 272).
  2. François-Ferdinand de Savoie, duc de Gênes, né le 15 novembre 1822, mort le 18 février 1854, avait épousé à Dresde le 23 avril 1850, Élisabeth princesse de Saxe, née le 4 février 1830, morte le 14 août 1912.