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indispensables. L’Empereur les évalue à 300 000 hommes au moins, et je crois qu’il a raison. Avec 100 000 hommes, on bloquerait les places fortes du Mincio et de l’Adige et l’on garderait les passages du Tyrol ; 200 000 marcheraient sur Vienne par la Carinthie et la Styrie. La France fournirait 200 000 hommes ; la Sardaigne et les autres provinces d’Italie les autres 100 000. Le contingent italien paraîtra peut-être faible à Votre Majesté ; mais si elle réfléchit qu’il s’agit des forces qu’il faut faire agir, des forces en ligne, elle reconnaîtra que pour avoir 100 000 hommes disponibles, il faut en avoir 150 000 sous les armes.

L’Empereur m’a paru avoir des idées fort justes sur la manière de faire la guerre et sur le rôle que les deux pays devaient y jouer. Il a reconnu que la France devait faire de la Spezia sa grande place d’armes et agir spécialement sur la rive droite du Pô, jusqu’à ce qu’on se fût rendu maître du cours de ce fleuve en forçant les Autrichiens à se renfermer dans les forteresses.

Il y aurait donc deux grandes armées, dont une commandée par Votre Majesté et l’autre par l’Empereur en personne.

D’accord sur la question militaire, nous l’avons été également sur la question financière qui, je dois le faire connaître à Votre Majesté, est celle qui préoccupe spécialement l’Empereur. Il consent toutefois à nous fournir le matériel de guerre dont nous pourrions avoir besoin et à nous faciliter à Paris la conclusion d’un emprunt. Quant au concours des provinces italiennes, en argent ou en nature, l’Empereur croit qu’il faut s’en prévaloir, tout en les ménageant jusqu’à un certain point.

Les questions que je viens d’avoir l’honneur de résumer à Votre Majesté aussi brièvement que possible furent l’objet d’une conversation avec l’Empereur qui dura de onze heures du matin à trois heures de l’après-midi. A trois heures, l’Empereur me congédia en m’engageant à revenir à quatre heures pour aller, avec lui, faire une promenade en voiture.

A l’heure indiquée, nous montâmes dans un élégant phaéton, traîné par des chevaux américains que l’Empereur guide lui-même et suivi d’un seul domestique ; il me conduisit pendant trois heures, au milieu des vallons et des forêts qui font des Vosges une des parties les plus pittoresques de la France.

A peine étions-nous sortis des rues de Plombières, l’Empereur entama le sujet du mariage du prince Napoléon, en me