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au lieu de s’attacher à la navigation de concurrence, on prend le mouvement général de la navigation maritime, on arrive à des résultats qui ne sont guère plus encourageants. En 1913, le tonnage des navires français entrés et sortis dans nos ports représentait 26 pour 100 du tonnage de l’ensemble de la navigation maritime, qui atteignait 60 millions de tonneaux. Cette proportion a été de 28,5 pour 100 en 1914, de 27,3 pour 100 en 1918, de 29,9 pour 100 en 1919 et de 27,9 pour 100 en 1920. Il est essentiel que cette situation prenne fin.

Des statistiques ont fait ressortir en effet que 85 pour 100 en moyenne de la recette réalisée par un navire restent entre les mains de la nation dont il porte le pavillon. Toute exportation par pavillon étranger est une perte sèche pour le pays. C’est en se faisant les rouliers du monde que des États comme la Hollande d’abord, l’Angleterre ensuite ont assuré leur prospérité nationale. La France, au contraire, qui est obligée d’abandonner aux pavillons étrangers un trafic très supérieur à celui qu’elle transporte pour leur compte, doit payer aux autres un très lourd tribut. On estime qu’avant la guerre nous décaissions en moyenne 350 millions par an sous forme de fret. En 1915, nous avons acquitté de ce fait près de 2 millions de traites, dont les trois quarts pour l’Angleterre. En 1916, 1917 et 1918, c’est trois à quatre milliards que la nation française a dû débourser au profit des marines marchandes alliées ou neutres.

On a pu dire que cette situation était due à l’insuffisance du tonnage français, qui n’était point à la hauteur du trafic. Ce raisonnement ne tient plus à l’heure actuelle Nous possédons en effet quatre millions de tonnes, pour un mouvement de navigation réduit à 45 millions de tonneaux, alors qu’en 1913 nous n’avions qu’une flotte de 2 500 000 tonnes, pour un mouvement de navigation de 60 millions de tonneaux. Le rapport du tonnage au trafic qui était de 4,16 pour 100 en 1913 s’est élevé à ce jour à 8,88 pour 100. C’est le rôle de la Commission extra-parlementaire de la Marine, nommée à la suite de l’interpellation de l’honorable M. Brindeau, et qui a comme rapporteur général M. Guernier, de rechercher les remèdes à cette situation. Nous ne doutons pas, étant donné la compétence et l’éclectisme des membres de cette Commission, qu’elle n’apporte une heureuse solution à ce grave problème.