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qui ne puisse être exploitée par les dirigeants pour déclencher des grèves dont les effets spontanés se traduisent par le désarmement des navires et par la paralysie du trafic national. Quelque chose d’un peu enfantin dans le caractère du marin le pousse trop souvent à ne voir dans le fait de mettre « sac à terre » qu’une excellente occasion de « tirer bordée. » Il s’aperçoit trop tard que son geste le conduit plus loin qu’il ne l’aurait voulu. Ce n’est pas en supprimant ou en réformant l’Inscription maritime qu’on peut espérer améliorer l’esprit du personnel, mais en perfectionnant son éducation morale. Il importe avant tout d’obtenir des équipages une collaboration loyale avec leurs armateurs.

Au lendemain de l’armistice, on pouvait espérer que cet idéal se réaliserait. Les inscrits maritimes venaient de donner pendant cinq ans une preuve de patriotisme, dont le pays a tout lieu de leur être reconnaissant ; il semblait qu’ils comprissent la communauté de leurs intérêts avec leurs armateurs. Ceux-ci, dans la question de la loi de huit heures, s’étaient rangés auprès de leurs marins et avaient combattu côte à côte avec eux pour l’internationalisation de la loi. Aussi ne comprend-on pas que le décret du 5 septembre ait donné lieu à une manifestation hostile. Ce texte renferme encore des conditions de travail moins dures que celles qui étaient en vigueur avant la guerre sur les navires français et plus favorables aux équipages que les régimes appliqués dans la plupart des marines étrangères. Pour que les choses s’envenimassent à ce point il a fallu que des questions de politique personnelle vinssent se mêler aux discussions sociales. Maintenant que les marins ont regagné leurs navires, il ne faut plus qu’ils s’éloignent du bercail. Leur sort est lié à la prospérité de la marine marchande française. Or, cette prospérité dépend de la discipline des gens de mer, sans laquelle toute exploitation devient impossible.


Rien ne sert toutefois de posséder un navire, s’il manque de marchandises à transporter. La recherche du trafic est un des éléments primordiaux de la réussite d’une entreprise maritime. Nous avons vu que le tonnage mondial avait augmenté de plus de 20 pour 100 par rapport au chiffre d’avant-guerre. Cet accroissement, loin de correspondre à un développement des échanges,