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devions faire disparaitre cette cause d’inégalité choquante. On ne saurait engager un cargo dans une course internationale maritime aussi ardente que celle qui se dispute maintenant avec un « handicap » de 84 francs par tonneau de jauge.

Le privilège de la loi de huit heures se comprenait d’autant moins que les marins français jouissent à bord de nos navires d’avantages très appréciables. La solde d’un matelot est passée de 90 francs en 1 914 à 330 francs ; celle d’un chauffeur, de 118 francs à 360. Les garçons des paquebots touchent de 200 à 300 francs par mois sans compter leurs pourboires. La nourriture des uns et des autres est naturellement assurée à bord. Il est prévu des indemnités pour charges de famille. En cas de maladie, le matelot est soigné obligatoirement aux frais de la Compagnie et touche sa solde intégrale pendant quatre mois. Enfin, — et ceci est un fait capital, — l’inscrit maritime reçoit, après vingt-cinq années de navigation, une pension annuelle de 1 500 francs. La loi du 5 avril 1910 sur les retraites ouvrières n’accorde aux ouvriers terrestres qu’un maximum de 393 francs par an à soixante-cinq ans d’âge, et après quarante-deux ans de versements ininterrompus.

Puisque nous parlons de l’Inscription maritime, dissipons une équivoque. Nous entendons dire couramment que cette vieille institution de Colbert est responsable de tous les désordres de la marine marchande. Si le célèbre marchand drapier de Reims revenait parmi nous, il serait bien étonné d’apprendre que sa géniale innovation eût abouti à un tel résultat. Supprimer l’inscription maritime serait une faute. Contrairement à ce que l’on croit, la navigation n’est nullement réservée aux inscrits Tout Français peut s’engager à bord d’un bâtiment. Le fait qui est obligatoirement constaté sur le rôle d’équipage constitue un acte d’Inscription maritime, plaçant le néophyte sous un régime spécial de recrutement. Et voilà tout ! Les règles de l’Inscription maritime n’entrent en rien dans l’agitation qui se manifeste au sein des syndicats de marins, avec un succès et une violence plus grands que dans les autres groupements.

La centralisation des marins sur des points limités du territoire, la nature très spéciale de leurs fonctions, la communauté de leur existence à bord créent entre eux des liens de solidarité qui s’affirment aussi bien en mer à l’heure du danger qu’à la Bourse du travail. Il n’y a point jusqu’à cette discipline du bord