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étatistes ou protectionnistes aussi regrettables, au point de vue international, que désastreuses pour les finances américaines. L’entreprise de la flotte d’État du Shipping Board aboutit à la plus lamentable faillite que l’on puisse voir. Les États-Unis mis à part, aucune nation n’a fait, pour le développement de sa marine, un effort comparable au nôtre. Fait assez particulier, le tonnage vapeur de la Grande-Bretagne n’a presque point varié, passant de 18,8 millions en juillet 1914 à 19 millions en 1922. Celui de la Norvège de 1,9 à 2,4. Les armateurs français, tout en répondant à l’appel de la nation, qui désirait affirmer sa victoire sur le terrain maritime, ont su observer une juste mesure dans la reconstitution de notre flotte commerciale qu’il s’agit maintenant d’exploiter.


Le premier point à considérer dans une industrie, quelle qu’elle soit, c’est la valeur de l’outillage de production. En l’espèce : le navire. Les compagnies de navigation sont obligées d’inscrire chaque année à leur bilan des provisions pour l’amortissement régulier de leur tonnage. Cet amortissement suit même une progression assez rapide de façon à couvrir le prix de revient des bâtiments par des primes d’amortissement en l’espace de vingt années pour les paquebots et de vingt-cinq années pour les navires de charge. La valeur initiale du navire offre donc un intérêt considérable au point de vue de l’exploitation, puisque c’est sur cette valeur que l’on doit se baser pour fixer le quantum de l’annuité d’amortissement.

A cet égard, la situation du tonnage français ne se présente point sous un jour très favorable. Par suite des considérations que nous avons exposées plus haut, nous avons dû récupérer hors de France 2 millions de tonnes environ. Les constructions dans les chantiers français ont été à peu près nulles. Alors qu’en 1913, ces chantiers construisaient 176 000 tonneaux de jauge brute de navires, le chiffre de la production était tombé en 1917 à 2 496 tonneaux, pour s’élever en 1918 à 21 millions et en 1919 à 24 millions seulement. Tandis que les nôtres voyaient leurs cales vides, les chantiers étrangers connaissaient une prospérité sans précédent. La production des navires de mer aux États-Unis, qui était de 228 000 tonnes en 1913, atteignait 3 579 000 tonneaux en 1919. Le Japon passait de