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Romagne et les Légations auraient constitué le royaume de la Haute-Italie sur lequel régnerait la maison de Savoie. On conserverait au Pape Rome et le territoire qui l’entoure. Le reste des États du Pape, avec la Toscane, formerait le royaume de l’Italie centrale. On ne toucherait pas à la circonscription territoriale du royaume de Naples. Les quatre États italiens formeraient une confédération, à l’instar de la Confédération germanique, dont on donnerait la présidence au Pape pour le consoler de la perte de la meilleure partie de ses États.

Cet arrangement me parait tout à fait acceptable, car Votre Majesté, en étant souverain de droit de la moitié la plus riche et la plus forte de l’Italie, serait souverain de fait de toute la péninsule.

Quant au choix des souverains à placer à Florence et à Naples, dans le cas fort probable où l’oncle de Votre Majesté, et son cousin prendraient le sage parti de se retirer en Autriche, la question a été laissée en suspens. L’Empereur n’a pas caché qu’il verrait avec plaisir Murat remonter sur le trône de son père et, de mon côté, j’ai indiqué la duchesse de Parme comme pouvant occuper, du moins d’une manière transitoire, le palais Pitti. Cette idée a plu infiniment à l’Empereur qui paraît attacher un grand prix à ne pas être accusé de persécuter la duchesse de Parme en sa qualité de princesse de la famille de Bourbon.

Après avoir réglé le sort futur de l’Italie, l’Empereur me demanda ce qu’aurait la France et si Votre Majesté céderait la Savoie et le Comté de Nice. Je répondis que Votre Majesté, professant le principe des nationalités, comprenait qu’il s’ensuivait que la Savoie dût être réunie à la France ; que, par conséquent, elle était prête à en faire le sacrifice, quoiqu’il lui en coûtât excessivement de renoncer à un pays qui avait été le berceau de sa famille et à un peuple qui avait donné à ses ancêtres tant de preuves d’affection et de dévouement ; que, quant à Nice, la question était différente, car les Niçards tenaient par leur origine, leur langue et leurs habitudes plus au Piémont qu’à la France et que, par conséquent, leur accession à l’Empire serait contraire à ce même principe qu’on allait prendre les armes pour faire triompher. Là-dessus, l’Empereur caressa à plusieurs reprises ses moustaches et se contenta d’ajouter que c’étaient là pour lui des questions tout à fait secondaires dont on aurait le temps de s’occuper plus tard.