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comité central de Paris, a obtenu, par l’emploi des moyens les plus odieux et les plus répréhensibles, une série de triomphes partiels qui lui constituent, dans la future Chambre, une minorité redoutable. Il nous prépare une lutte désespérée, dirigée, non seulement contre le ministère, mais contre les institutions libérales et l’esprit du siècle. Mais ses efforts seront impuissants, le Roi et le pays ne veulent pas de lui. Une conspiration jésuitique, tramée dans toutes les sacristies du Royaume, a pu obtenir un succès de surprise ; elle ne saurait se soutenir au grand jour de la discussion, alors surtout que le trône et la nation sont d’accord pour marcher, avec modération, mais fermeté, dans la voie de la civilisation et du progrès.

Je prie Votre Altesse de vouloir bien agréer, avec l’hommage de ma reconnaissance, l’assurance de mon respectueux et parfait dévouement.

CAVOUR.


Le comte de Cavour au roi Victor-Emmanuel. [1]


Baden, 24 juillet 1858.

Sire,

La lettre chiffrée que j’ai expédiée à Votre Majesté de Plombières n’a pu donner à Votre Majesté qu’une idée fort incomplète des longues conversations que j’ai eues avec l’Empereur. Je pense qu’elle sera par conséquent impatiente d’en recevoir une relation exacte et détaillée. C’est ce que je m’empresse de faire à peine après avoir quitté la France, par cette lettre que j’expédierai à Votre Majesté par M. Tofi, attaché à la Légation de Berne.

L’Empereur, dès que je fus introduit dans son cabinet, aborda la question, cause de mon voyage. Il débuta en disant qu’il était décidé à appuyer la Sardaigne de toutes ses forces, dans une guerre contre l’Autriche, pourvu que la guerre fût entreprise pour une cause non révolutionnaire, qui pût être justifiée, aux yeux de la diplomatie, et plus encore de l’opinion publique, en France et en Europe.

La recherche de cette cause présentant la principale difficulté

  1. L’empereur Napoléon III avait envoyé à Turin, vers le milieu de juin 185$, son ancien ami, le docteur Conneau, pour proposer au comte de Cavour une entrevue qui eut lieu à Plombières en juillet et dont Cavour rend compte en ces termes (Chiala, tome II, CCXCI).