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d’impuretés. Quand on voit le rôle joué un peu partout dans les cristallisations, ne fût-ce que pour l’acier, par des éléments accessoires, parfois presque impondérables, on peut se demander si ces prétendues impuretés des diamants naturels ne sont pas assimilables au peu de silicium incorporé dans les diamants de Moissan.

Quoi qu’il en soit, l’observation de la nature, en même temps qu’elle indique la voie probable à suivre, met également en évidence la part du hasard ou de la persévérance dans la réussite possible. Rappelons-nous, en effet, que, dans le monde, des pointements de roches éruptives analogues à celles de Kimberley existent par milliers, mais que, nulle part hors de l’Afrique du Sud, ces roches n’ont présenté de diamants en quantités utilisables ; que, dans l’Afrique du Sud même, les gisements ayant contenu assez de diamants pour soutenir la concurrence sont tout au plus au nombre d’une dizaine ; que, dans les mines les plus riches, la proportion des diamants est, en somme, infime et qu’elle décroît vite avec la profondeur. Qu’en conclure, sinon que, pour réaliser la cristallisation du diamant, surtout en cristaux un peu volumineux, il a fallu des conditions tout à fait exceptionnelles, par conséquent très malaisées à reproduire ?

Admettons néanmoins que la reproduction du diamant soit réalisée demain par un inventeur heureux, — ce qui n’aurait rien d’invraisemblable. Admettons également que les frais d’une production industrielle ne soient pas trop élevés et, par l’expérience du passé, imaginons ce qui va probablement se passer. Si l’inventeur veut tirer profit de sa découverte, il sera presque fatalement amené à venir proposer son brevet aux producteurs actuels qui, l’ayant une fois en mains, pourront en faire abstraction pour continuer à fixer le cours du diamant d’accord avec les acheteurs en gros. Le résultat final serait, à peu de chose près, le même pour les consommateurs, dans le cas où le brevet serait vendu au syndicat d’achat. Si l’inventeur réussit à organiser une usine indépendante, il trouvera ligués contre lui tous les bijoutiers, tous les propriétaires de diamants du monde entier. Ses diamants, fussent-ils théoriquement et pratiquement identiques à ceux de la nature, ne seront jamais que des diamants artificiels, pour lesquels on inspirera sans peine aux élégantes un complet mépris. Quelque particularité,