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n’avaient été comparables, à celles de ces dernières années.

Au début de la Grande Guerre, il y eut une première période douloureuse : départ des ouvriers, arrêt des achats. Le contrecoup des événements européens se propagea instantanément jusqu’au cap de Bonne-Espérance. La production, très diminuée en 1914-1915, fut alors arrêtée en 1915. On ferma les mines de Wesselton, Bultfontein et Dutoitspan, pour ne les rouvrir que progressivement : Wesselton et Bultfontein en mai 1916, Dutoitspan à la fin de la même année. Les lavages furent également interrompus jusqu’au mois de janvier 1916. Après quoi, l’extraction reprit et, sans remonter aux 3 millions de carats qu’avait dépassés deux fois la de Beers, en 1892 et 1899, on atteignit 1 321 871 carats en 1918, 1 091 880 en 1919, 1 370 537 en 1920.

A ce moment, il se produisit un de ces vastes mouvements spéculatifs que les Anglais appellent des booms. La fin de la guerre avait rouvert des marchés longtemps fermés. Des fortunes, rapidement construites en tous pays sur les industries et les commerces de guerre, étaient prêtes à toutes les folies de dépenses. L’inflation du papier-monnaie contribuait à encourager la prodigalité, soit chez ceux qui s’imaginaient avoir grossi leur fortune parce qu’elle s’exprimait en papier et non plus en or ; soit chez les prudents qui se débarrassaient le plus vite possible de ce papier pour le convertir en marchandises de valeur plus durable. Le prix des diamants estimés en or monta alors dans une proportion énorme. On vit, par exemple, les diamants de Dutoitspan passer de 135 francs or par carat (valeur de 1918) à 277 (valeur de 1920). Mais dans le courant de 1920, ce mouvement s’arrêta et fit place, au contraire, à une crise croissante. Peut-être l’encouragement donné par les hauts prix à la réouverture de nombreuses petites mines indépendantes du syndicat n’y fut-il pas étranger. Mais deux causes beaucoup plus graves y contribuèrent. D’abord le marasme industriel provoqué par la grève des consommateurs européens qui s’étendit vite au monde entier : notamment dans les États-Unis et l’Amérique du Sud ; puis l’afflux des diamants pillés en Russie. On se représente malaisément les chiffres auxquels ont pu monter ces ventes qui, nécessairement, n’ont pas eu à tenir compte des prix fixés par l’association des producteurs honnêtes et qui sont venus, par suite, écraser momentanément un marché déjà