Page:Revue des Deux Mondes - 1923 - tome 13.djvu/381

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

placement d’autant plus recherché qu’il condense une fortune plus grande sous un plus faible volume. C’était déjà la raison qui faisait jouer au diamant un si grand rôle dans la thésaurisation de l’Extrême-Orient. Une mentalité analogue a tendu à se répandre en Europe pour les mêmes causes : insécurité sociale et défaut de confiance dans les valeurs mobilières, surtout quand leur seule valeur est l’engagement, toujours provisoire, pris par un Etat. Pour entretenir ce sentiment de stabilité, le producteur de diamants doit, comme le négociant en pierres précieuses et même le bijoutier, s’attacher à éviter les inquiétudes produites par la baisse. L’acheteur préfère payer plus cher et être sûr de revoir sa mise. Comme, malgré ce que je disais tout à l’heure sur l’absorption continue des diamants dans le monde, il se produit des crises périodiques, les producteurs de diamants n’hésitent donc pas, lorsqu’il le faut, à restreindre ou à fermer les mines.

Mais, dira-t-on, une telle organisation ressemble fort à un accaparement. Assurément, s’il s’agissait d’une matière de première nécessité, elle succomberait sous la réprobation publique, avant d’être interdite par des lois. Dans le cas des diamants, personne n’est lésé, puisque personne n’est forcé d’acheter des diamants, s’il les trouve trop chers. L’intérêt commun du consommateur et du producteur est que les prix se soutiennent ou s’élèvent. Et il en est de même du Gouvernement sud-africain, pour lequel l’impôt sur les bénéfices des mines diamantifères constitue un revenu de premier ordre.

Seulement, la restriction ou l’arrêt des mines coûte fort cher, puisque les frais généraux et même une grande partie des frais industriels continuent à courir. Les ouvriers blancs, en particulier, ne peuvent être congédiés pour quelques semaines ou quelques mois et repris ensuite. Les compagnies ont donc formé un fonds de réserve très important pour « la stabilisation du marché du diamant. » A la de Beers, ce fonds était de 60 millions avant la dernière crise, à laquelle il a permis de parer.

Il faut également une entente absolue entre les producteurs pour que l’un ne continue pas à travailler et à vendre en profitant de ce que l’autre ferme. Il faut enfin à l’entente industrielle ajouter une entente commerciale. En fait, depuis 1893, tous les diamants produits sont achetés exclusivement par le