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sinon comme poids de diamants, du moins comme prix. On s’explique, dès lors, comment cette industrie de luxe est éminemment sensible aux variations de la prospérité publique, aux crises économiques, aux phases de dépression ou d’essor. Les deux grands centres de consommation étant l’Extrême-Orient et les Etats-Unis, le marché des diamants reflète très exactement les vicissitudes de la fortune américaine.

Comme il faut néanmoins que l’industrie présente une certaine continuité et puisse, à tous les degrés, compter quelque peu sur l’avenir, on a été amené, pour la faire vivre, à constituer un organisme commercial et financier qui n’en est pas la moindre particularité.

J’ai déjà expliqué comment la de Beers, formée en 1888, a englobé tous les producteurs de cette époque. Quelques mines nouvelles ayant été découvertes dans la suite, sa politique a consisté, soit à les acheter, soit à les englober dans un syndicat de producteurs.. C’est ainsi que, depuis plusieurs années, il y a entente entre les quatre producteurs importants : la de Beers qui fournit environ 48 p. 100 de la production mondiale ; la Premier (Transvaal) qui en donne 20 p. 100 ; la Jagersfontein (Orange) 7 p. 100 ; le Sud-Ouest Africain allemand qui, avec tous les petits producteurs, arrive à 25 p. 100.

Toutes les mines de diamants ont un intérêt commun, qui est de maintenir les prix plutôt que d’augmenter la production. Malgré la richesse des gisements, la quantité de diamants que ceux-ci peuvent renfermer n’est pas inépuisable. La hausse des prix, dans la mesure où elle peut être supportée par le consommateur, est donc le but cherché. Logiquement, une marchandise de luxe ne peut, d’ailleurs, rester telle, que si elle évite de se démocratiser, et si elle tend plutôt constamment à augmenter de prix. Quiconque achète des diamants ou des perles est un peu dans la situation de celui qui paye un tableau sur sa signature. Dans le prix d’achat accepté ou subi, entrent pour lui deux éléments d’appréciation : le plaisir tiré de la possession, mais aussi la satisfaction d’étaler sa fortune, de se classer parmi les privilégiés et la certitude de pouvoir retrouver son argent en cas de besoin, peut-être même avec bénéfice. Ainsi, dans les périodes troublées comme celle de l’après-guerre, le diamant a pu être considéré comme un placement, il est vrai sans intérêts, mais aussi sans risques et sans impôt :