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Une perle ne peut servir à rien qu’à la parure. Écrasée, chauffée, attaquée par un acide, elle perd instantanément toute valeur. Mais la beauté a-t-elle besoin d’être utile ? Toutes ces gemmes si précieuses, dont le diamant est la principale, servent à briller, à chatoyer, à refléter, absorber et restituer la lumière. Leurs qualités physiques, telles que la dureté exceptionnelle du diamant, n’interviennent que pour contribuer. à leur éclat durable. Ce sont des objets de parure, des jouets pour grands enfants. Comme l’élégance féminine a le choix entre divers jouets semblables, la persistance de la faveur attachée au diamant depuis trois ou quatre siècles, le développement d’un commerce qui se chiffre chaque année par plus d’un milliard, constituent déjà à eux seuls une anomalie intéressante. On peut y voir, sous une forme quelque peu rudimentaire et primitive, un indice du rôle que jouent et joueront sans doute longtemps, d’un bout à l’autre de la société, dans notre vie moderne si utilitaire, l’agrément ou le plaisir sans avantage pratique. C’est, si l’on veut, de l’art à la façon des sauvages qui se parent de plumes ou de verroteries ; mais c’est encore l’instinct de l’art à ses débuts.

D’où proviennent nos diamants [1] ? On entend souvent, à ce propos, parler de l’Inde ou du Brésil. C’est là du passé. Tous les anciens diamants sont, en effet, venus de l’Inde, qui peut en avoir au total fourni 2 000 kilogrammes jusqu’au XVIIIe siècle. D’où la renommée légendaire de Golconde, qui n’a jamais produit de diamants, mais qui en vendait. Puis, vers 1723, on a découvert les gisements du Brésil, qui ont produit 2 500 kilogrammes. Mais, depuis 1870, l’Afrique australe produit presque seule des diamants et en a extrait environ 34 000 kilogrammes. Successivement, le Brésil, puis l’Afrique, sont venus prendre la prééminence en jetant la perturbation sur un marché, où les stocks de marchandises accumulés représentaient des intérêts considérables. C’est un peu la raison pour laquelle il a été généralement admis dans le commerce que le nouveau concurrent donnait chaque fois une qualité très inférieure à celle de son prédécesseur, jusqu’au moment du moins où les stocks ont été écoulés. En particulier, pour l’Afrique, le mélange de pierres très diverses, souvent en effet inférieures, a contribué à

  1. On me permettra de renvoyer, pour les détails, à mon volume sur les Diamants du Cap (Paris, Béranger).