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du soin que vous prenez de mes intérêts, de ne jamais laisser sortir de vos mains, ou de celles de M. Garraud, mes livres ; Auguste est bien bon pour moi. Je suis hébété de travail.

Adieu, je retourne à un drolatique interrompu pour vous lire, pour prendre les seules distractions que j’aie, celles du cœur.

Je jette à ceux qui critiquent mes marquises dans les deux derniers dimanches de ce mois [1] une des plus larges compositions que j’aurai faites. C’est intitulé : les Marana. Tachez, vous, mère, de lire cela.

Mille tendresses de cœur, et toujours la poignée de main au commandant. Adieu, à bientôt. Je voudrais bien que vous eussiez relu Louis Lambert et lu le Médecin de campagne quand je vous reverrai ; vous aurez peut-être une pensée de plus dans votre regard qui en a tant, et de si belles, de si bonnes, de si nobles ! Je vous écrirai le jour de mon départ, que je hâte. La Bataille doit paraître, sans quoi je donnerais raison à ces marchands de papier noirci.

Adieu, vous à qui je m’adresse si souvent aux heures de fatigue, pour trouver un doux repos.


Malgré les protestations du romancier, Mme Carraud est bien tentée d’abandonner l’espoir d’une prochaine arrivée. Décembre s’écoule, Noël se passe, Balzac n’est pas encore à la Poudrerie. Le 28 décembre, Mme Garraud lui écrit :


J’attendais le retour du commissaire pour vous écrire, Honoré ; je me plaisais dans le doute que ma lettre pourrait bien ne plus vous trouver rue Cassini, mais non, hélas ! vous y êtes ancré, et pour espérer que vous fassiez voile pour la Poudrerie, il faudrait compter sur un vent favorable, et mes antécédents ne m’ont point donné confiance. Le 10, vous serez ici, dit-on ? Je n’y compte plus, parce qu’en même temps l’on m’assure qu’il faut votre présence à Paris le 15 février. Oh ! j’en étais bien sûre, qu’une fois que vous auriez mis le pied dans cette ville, l’étourdissement vous prendrait, et que, tout en tendant les bras vers nous, vous ne pourriez échapper au flot qui vous emporte. Et pourtant, cher, le commissaire vous trouve changé, vieilli ; la fatigue de tête vous mine, il vous faudrait le repos.

  1. Revue de Paris, décembre 1832 et janvier 1833.