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de vous, comprise. Aussi déplorions-nous votre voisinage, sa petitesse qui vous humilie. Aussi avons-nous cherché les moyens de vous en délivrer, comme on cherche à sarcler les mauvaises herbes autour d’une fleur délicate que l’on aime. J’y ai, pensé ; vous verrez si cela est possible. Je le crois, et je serai l’instrument de votre libération. Au moins, mon voyage vous sera bon à quelque chose.

Ma fortune devient considérable. Mes libraires m’assurent trente mille francs cette année, outre mes journaux. Et dans huit ans, ils me donneront d’un coup le capital de cette belle rente. Ah ! si vous me voyez travailler jour et nuit, ne plus dormir que six heures, vous vous diriez que c’est bien gagné.

Quelle fête pour moi que d’aller me faire pistonner [1] par le commandant, et d’être près de vous, une des trois ou quatre personnes avec lesquelles je puis toujours échanger des idées, gagner et m’entendre même dans les discussions !

Il me faudrait une femme comme vous. Mais je n’ai pas à me plaindre ; je suis en amitié avec de bien nobles âmes, j’ai reçu une divine lettre de la Princes russe ou polonaise [2].

Auguste m’a dit que les renseignements sur Java étaient apocryphes, comme j’en avais peur. Je me suis arrangé en conséquence. Le Voyage à Java est bien modifié. Vous le lirez bientôt, car j’en envoie un exemplaire à la Poudrerie à M. Grand-Besançon.

Concevez-vous Laure, qui devait vous envoyer mon quatrième volume [3], et qui me dit que je vous le porterai ! Je vous ai fait l’honneur de vous croire impatiente, et j’ai dit qu’on vous l’expédiât. Hélas ! Louis Lambert est incomplet ! Je me suis encore trop pressé. Il y manque des développements et bien des choses que je suis en train de faire, et, dans la prochaine édition, il sera bien changé, bien corrigé. Si vous aperceviez quelque chose qui manquât, dites-le moi bien.

Adieu, vous qui êtes aimée avec reconnaissance. N’oubliez pas de serrer à l’anglaise la main du commandant, du paresseux commandant qui prive l’Etat, la Patrie, de ce qu’il pourrait faire en science, en travaux !... Il faut le pistonner aussi, lui.

  1. Un des mots favoris du commandant Carraud, que les intimes appelaient en riant le commandant Piston.
  2. La comtesse Hanska. Lettre du 7 novembre 1832.
  3. Les Nouveaux contes philosophiques.