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C’est vraisemblable que mon beau-frère et ma sœur ou quitteront Paris, ou auront trop d’affaires pour se charger longtemps des miennes, et alors, si Borget ne recule pas devant le fardeau d’une si pesante amitié, s’il peut être à moi, comme je serai à lui, eh bien ! j’embrasserai avec la même ardeur ce fantôme d’amitié vraie, après lequel j’ai tant couru autrefois, et dont vous seule au monde avez réalisé jusqu’à présent la noble et belle chimère. ’

Je vous verrai donc dans un mois et j’aurai plus tôt fait de vous conter mes petits chagrins sur votre divan, car vous aurez le divan dans votre joli boudoir, que de vous les écrire.

Dieu veuille que d’Angoulême je saute en Italie au mois de février, ayant achevé toutes mes obligations littéraires, dont on m’a fait des chaînes.

Je ne vous remercie pas de tout ce que votre lettre a de bon. Le défaut d’enjeu pour la partie de billard est une mauvaiseté cependant.

Dites au commissaire que le Voyage à Java paraîtra sans doute le 11 novembre. J’aurai soin qu’on lui adresse de ma part le numéro ou les numéros de la Revue de Paris où sera l’article. Il a été bien corrigé ; pour lui faire plaisir, j’ai fait un arbre-fougère, qui écrase le bengali et l’upas.

J’ai été heureux dans mes travaux d’Angoulême. La Femme abandonnée a fait fureur, et la Grenadière paraît après-demain. L’on me pronostique un beau succès de mouchoirs. Je ne l’ai pas dédié à ma chère et toute délicate hôtesse, parce que la dédicace, l’œuvre, le cadre étaient trop mesquins. Vous me permettrez, madame Zulma, d’être plus magnifique un jour envers qui est si prodigue envers moi [1].

J’ai tant à écrire que je suis forcé de vous dire un adieu amical et de vous traiter en amie, comme vous m’avez prié de le faire. A bientôt donc, car rien, à moins qu’elle [2] ne m’enlève, ne s’oppose à ce que je sois près de vous la majeure partie de cet hiver. Quand il y aurait eu de l’égoïsme dans votre conseil de l’absence nécessaire de Paris, croyez-vous que je vous en voulusse ? Mon Dieu, un serrement de main affectueux me ferait faire cent lieues ; jugez quand on peut aller chercher une affection assez vraie pour arriver à l’égoïsme admirable de l’amitié.

  1. Balzac, en 1835, lui dédiait la Maison Nucingen.
  2. La marquise de Castries.