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du monde des idées, vous, reconnaître des faits, de petits faits, comme s’il dépendait des hommes de changer le cours des événements ! Et vous avez lu l’histoire, et Thierry, qui, malgré sa sympathie pour les vaincus, considère pourtant cette puissante vérité, que le succès a raison quand il subsiste. Enfin, tout cela se résout, pour vous, en vie influente et dorée !

Les Contes drôlatiques valent mieux qu’un ministère, pourtant ! Travaillez à la Bataille [1] ; ne m’écrivez pas, car cela vous dérange ; moi, j’ai été un peu souffrante, assez pour pouvoir craindre le choléra, mais c’est passé ; sans cela, vous eussiez eu une lettre avant la vôtre. M. Bergès a son livre [2], je ne l’ai pas vu depuis. Nous nous reverrons peut-être ? A ce doute exprimé devant mes voisins, les physionomies se sont animées, chacune selon l’être à qui elle appartient. Le vieux monsieur ne pense qu’à vous, en parle sans cesse, et vous regrette d’une façon touchante ; il m’ennuie un peu moins depuis ce temps ; — Mme Raison [3] aussi en parle. Le reste est si peu vérité, comme notre Charte, que je ne vous rends pas toutes les tendresses à moi adressées pour votre compte. La pauvre et bonne Marinette [4], au superlatif, est malade, par suite des mauvais traitements à domicile ; elle est changée de façon à effrayer. L’autre... l’autre, tenez, je n’ose en parler. Cette intimité me pèse ; nous allons dîner à sept heures, au retour d’Auguste [5], le tout, afin d’abréger la soirée obligée.

Eh bien ! Honoré, je suis heureuse que la poste ne parte que trois fois la semaine, je vous l’assure. Marinette vous remercie de votre souvenir, trop bonne fille pour s’en fâcher. Je le lui ai soufflé bien bas, de peur d’interprétation.

Le commandant se porte bien, lit les livres les plus bêtes avec une ardeur qui est presque entraînante. Monsieur, quand on a à sa disposition les plus belles mains de France, comment

  1. Cette fameuse « scène de la vie militaire » qui ne vit jamais le jour et dont il est plus d’une fois question dans la Correspondance. Voyez la Revue des Deux Mondes du 15 janvier 1922, p. 425.
  2. Chef d’institution à Angoulême, M. Bergès avait promis son concours pour la campagne électorale de Balzac. Le livre dont il s’agit est probablement le Rénovateur, recueil royaliste auquel Balzac collaborait, ou bien l’Enquête sur la politique des deux ministères, publié en avril 1831 par M.de Balzac, électeur éligible.
  3. Mère de Mme Grand-Besançon.
  4. Pupille et nièce de M. H. Grand-Besançon ; on l’appelait Marinettissima.
  5. Auguste Borget, le peintre.