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est nécessaire de créer des difficultés chez notre alliée la Russie, et l’on envoie à tour de bras des armes et des munitions aux révolutionnaires russes.

Pour préparer l’opinion universelle, on ouvre dans les journaux une campagne de basses calomnies sur de prétendues atrocités françaises : on lance des fausses nouvelles où le général d’Amade figure comme fuyant honteusement devant les Marocains ; bref, on met tout en œuvre pour discréditer la cause française. Et l’on travaille avec ardeur en vue « de faire entrer encore une fois en jeu la force des armes allemandes. »

On installe une agence de désertion en masse, sous la direction des consuls et avec l’appui financier du Gouvernement, pour désorganiser la Légion étrangère, « activer le retrait des troupes françaises, » créer des incidents susceptibles d’amener la guerre et de provoquer ainsi « l’échec de toute la bande. »

L’agent consulaire allemand en personne conduit les déserteurs au port et tente impudemment de les embarquer, sous nos yeux mêmes, sur un bateau allemand. Il se livre à des voies de fait sur la personne de nos soldats.

On monte les esprits en Allemagne et en Europe au moyen des « belles dépêches » de la Société des Câbles qui « apportent tant de mouvement dans la politique européenne, » et l’on se réjouit à la pensée que « ces nouvelles vont produire un effet énorme et qu’elles serviront d’une manière colossale la cause hafidiste. »

On envoie à Fez, où finit par éclater une révolte, un docteur Vassel chargé d’une mission secrète « archi-politique. »

Nouveau coup de théâtre : le croiseur allemand Panther vient jeter l’ancre devant Agadir. Personne n’a certes oublié les heures vécues à cette époque où avec angoisse nous attendions de l’Allemagne une déclaration de guerre qui semblait imminente. Résultat final : l’Allemagne nous arrache un morceau du Congo en échange de droits cependant acquis et reconnus. Nous acceptons cette spoliation pour éviter la guerre.

On achète les Caïds qui prennent les ordres du consulat d’Allemagne pour nous résister, et selon le mot d’ordre : agir tout en faisant une figure innocente, on s’arrange pour que les apparences soient contre l’Espagne : « Le rôle que le Caïd protégé espagnol joue actuellement sur l’ordre du consulat d’Allemagne est des plus difficiles. »