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allemands, à l’étranger. Mais, ces jours derniers, nous avons reçu, en Allemagne même, un affront tel qu’on ne pouvait pas se préoccuper des Allemands au Maroc. Précisément à cette heure, une décision est prise à Berlin, qui pour vous peut signifier la délivrance. Car, si le prince de Bülow et son impérial Maître veulent réellement se réhabiliter, ils en ont la meilleure occasion, maintenant que la France refuse de la façon la plus impertinente toute satisfaction.

« Après avoir perdu notre prestige par la politique impériale, notre honneur par la faiblesse de notre Gouvernement et le respect de nous-mêmes par les histoires Eulenbourg et autres, il ne nous reste plus qu’à faire entrer encore une fois en jeu la force de nos armes. Souhaitons que ces espérances que j’écris sous l’impression de nouvelles arrivées à l’instant même, ne seront pas fausses. Tons les bons Allemands les salueraient avec joie.

« Toujours volontiers à votre service, avec la plus haute considération et un salut allemand.

« Signé : Pohl,

Rédacteur en Chef. »


L’Allemagne crut alors l’occasion excellente, et, sous la poussée de la campagne de presse, le Gouvernement allemand fit une « grave affaire » de l’incident des déserteurs et des voies de fait sur la personne du secrétaire du consulat d’Allemagne. Ce dernier ayant frappé nos soldats qui s’opposaient à l’embarquement des déserteurs, l’officier qui les commandait, se trouvant en état de légitime défense, riposta vigoureusement.

Le Gouvernement allemand, en vue d’appuyer une déclaration de guerre éventuelle sur un motif juridique, fit tant et si bien que le Tribunal de la Haye fut saisi officiellement de l’incident. Mais l’espoir des Allemands fut encore une fois déçu, car cette haute juridiction prononça, à la date du 22 mai 1909, les deux parties entendues, une sentence arbitrale qui ruinait tout espoir d’un conflit. Cette sentence déclarait en effet que c’était « à tort et par une faute grave et manifeste » que le secrétaire du consulat impérial allemand à Casablanca avait tenté de faire embarquer, sur un vapeur allemand, des déserteurs de la légion étrangère française. Les parties furent renvoyées dos à dos, et la paix fut sauve une fois de plus.