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Frères Mannesmann, négociants dans tous les centres du Maroc ;
Just et Sievers, secrétaires du consulat d’Allemagne.

Le dépouillement des quelque cinquante caisses de documents saisis dura huit mois : ils étaient rédigés en allemand, en anglais, en espagnol et en arabe.

C’est dans cet amas de pièces que nous allons puiser la preuve de la longue et patiente machination préparée par nos ennemis. On y trouvera le témoignage irréfutable que l’Allemagne souhaitait ardemment la guerre et qu’elle nous y acheminait, alors que, de l’aveu même des Allemands, la France n’en voulait à aucun prix et ne s’y préparait en rien.


Il faut remonter à l’année 1905. Ce fut alors que Guillaume II se rendit à Tanger. Ce grand coup devait à la fois frapper l’imagination des populations musulmanes et donner à la France un avertissement. Une propagande effrénée fut organisée en prévision de la visite de l’Empereur. Les indigènes furent travaillés à outrance. D’un bout à l’autre du Maroc on ne parlait que du puissant empereur Guillermo. Des milliers et des milliers de papillons multicolores furent lancés sur toute la côte, notamment à Tanger, portant ces mots : « Vive l’empereur Guillaume ! Vive l’indépendance marocaine ! » et, par un raffinement de perfidie : « Viva España ! » (Il en existe encore des échantillons.)

Cette mise en scène n’ayant pas eu de résultat pratique immédiat, le chef de l’organisation usa de la provocation directe ; il le fit un peu lourdement, comme toujours, ainsi que l’ambassadeur d’Allemagne lui-même fut obligé d’en convenir dans une lettre adressée à la Légation allemande à Tanger :


Copie transmise à Ficke par la Légation allemande à Tanger le 15 juin 1905.

« L’ambassadeur de France à Berlin a exposé à M. le secrétaire d’État que M. Carl Ficke a galopé de long en large autour de l’avant-poste français en compagnie de plusieurs cavaliers arabes, qu’il a menacé les Français du revolver en prononçant contre eux des injures et des menaces, jusqu’à ce que, finalement, il fût écarté par un sous-officier.