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Russies est un monarque autocrate, d’une puissance illimitée. Dieu lui-même ordonne d’obéir à son pouvoir suprême, non seulement par crainte, mais encore par mandement de la conscience. » Elles proclamaient encore, dans l’article 70 : « Un ordre impérial, édicté à propos d’une affaire particulière, abroge les prescriptions des lois générales en ce qui concerne ladite affaire. » Toute décision, qui portait la signature du Tsar, avait donc le caractère légal et la force exécutoire, quelle que fût la nature ou la teneur de cette décision. En principe, les ordres impériaux devaient être notifiés au Sénat dirigeant qui, malgré l’apparence de son titre politique, n’était qu’une assemblée judiciaire, une haute cour de révision, d’enquête et d’enregistrement. Il était pourtant loisible au souverain de décider que tel ou tel de ses ukazes ne serait montré à personne.

Dans ces conditions, Alexandre II pouvait facilement créer à ses enfants adultérins un état civil. Même, en droit strict, par la prérogative de sa puissance illimitée, il aurait pu les légitimer.

Il hésita quelque temps sur le nom de famille qu’il leur attribuerait. De prime abord, le nom de la mère, le beau nom de Dolgorouky, semblait indiqué. Mais Alexandre n’admit pas que des enfants, issus de lui, fussent rattachés de force à une lignée masculine qui les eût désavoués. Puisqu’ils avaient pour père un Romanow, ne convenait-il pas plutôt qu’une filiation distincte, une branche nouvelle partit d’eux, comme une greffe entée sur l’arbre ancestral ? Il ne fallait pas toutefois que la mère parût ainsi les répudier.

Or, par ses ancêtres paternels, et notamment par Wladimir Monomaque, grand-prince de Kiew au XIIe siècle, Catherine-Michaïlowna se reliait à la descendance de Rourik. L’un des plus célèbres, parmi ces aïeux, était le prince Youry, huitième fils du Monomaque et qui fonda Moscou en 1147. S’inspirant de ce glorieux souvenir, Alexandre II octroya aux enfants de sa maitresse le nom de Youriewsky, en y ajoutant la dignité princière et le titre d’Altesse.

Le 11/23 juillet 1874, il rédigea de sa main un ukaze, destiné à rester provisoirement secret, et en confia la garde à son fidèle aide de camp, la général Ryléïew. Le document était libellé ainsi :