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ne s’en aperçut, pas même sa belle-sœur, chez qui elle occupait un logement séparé, à l’hôtel du Quai Anglais.

Par une fortune singulière, la gestation n’avait pas changé la sveltesse de ses contours. Une photographie, qu’on fit d’elle au huitième mois, ne laisse apercevoir aucun élargissement de sa taille ni de son buste.

Le 11 mai 1872, dans la soirée, elle éprouva les douleurs annonciatrices.

Afin que l’événement s’accomplît dans un mystère absolu, l’Empereur avait décidé que, aux premiers symptômes de la délivrance, Catherine-Michaïlowna viendrait s’installer au Palais d’hiver, dans l’ancien appartement intime de Nicolas Ier, qui était le lieu habituel de leurs rencontres. Des aménagements de couloirs, un escalier dérobé, des consignes rigoureuses isolaient complètement cette partie de la résidence impériale.

Sans prévenir sa belle-sœur, ni même sa femme de chambre, pour que le secret fût encore plus certain, la jeune femme se rendit seule en voiture au Palais d’hiver, où elle pénétra, comme d’habitude, par une porte basse dont elle avait la clef.

L’Empereur, averti, accourut immédiatement et passa une heure auprès d’elle. Mais soudain les douleurs s’apaisèrent. Présumant qu’elle s’était alarmée trop tôt, elle s’endormit d’un sommeil paisible sur un simple divan de reps bleu ; car il n’y avait pas de lit dans cette pièce retirée où l’on n’avait rien changé depuis le temps de Nicolas Ier. Après s’être assuré qu’elle ne souffrait plus, Alexandre-Nicolaïéwitch regagna son appartement et se coucha aussi. Catherine resta complètement seule. En cas de besoin, elle n’avait à sa disposition qu’un vétéran-grenadier, qui montait la garde à la porte de la chambre.

C’est ce vieux soldat qui, vers trois heures, vint éveiller le Tsar.

Un domestique de confiance alla vite chercher le médecin-accoucheur, Krassowsky, et la sage-femme. Mais les praticiens tardaient à venir ; car ils demeuraient loin. De minute en minute, l’état de Catherine, qui se tordait sur le divan de reps, devenait plus inquiétant. Alexandre, blême, lui tenait les mains et l’encourageait tendrement.

Enfin, le docteur Krassowsky arriva, suivi de la sage-femme.