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LA GEOLE

DEUXIÈME PARTIE[1]

iv. — l’appel a la mère (suite)


L’aspect de la veuve, quand elle reparut, justifiait le témoignage du serviteur. Sur son visage, plus pâle encore, mais résolu, les sinistres traces étaient effacées. Elle avait eu l’énergie de revêtir déjà une robe et un manteau noir. Elle était gantée de deuil ; sa bouche serrée, la tension de ses traits délicats, la fixité de ses yeux bleus disaient assez que la fièvre intérieure persistait, mais domptée par cette volonté du devoir que Vernat venait de mettre en jeu par hasard. L’état d’égarement où il avait trouvé la jeune femme lui imposait l’évidence qu’entre elle et son malheur, il fallait dresser une digue, non pas d’un moment, mais de toujours. Laquelle ? Cette innocente victime d’un contre-coup tragique de l’hérédité, — car l’hypothèse rentrait trop dans son système pour qu’il ne l’admit pas complètement, — commençait de lui inspirer cette pitié particulière aux médecins que l’hôpital n’endurcit pas. Ils voient clairement le péril suspendu sur le malade qui, lui, ne le soupçonne pas. Quand elle avait parlé de son enfant, l’éclair d’un terrible pronostic avait traversé l’esprit du savant : 1e neveu s’était tué comme l’oncle et d’autres parents. Que de chances pour que le fils se tuât plus tard comme le père ! Et il la regardait marcher devant lui dans l’antichambre d’où elle l’avait appelé, sans entrer, cette fois, dans la bibliothèque, se sentant trop peu sûre d’elle.

— Allons, avait-elle dit simplement, et, assise dans le coin

  1. Voyez la Revue du 15 décembre.