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Wilhelmine de Bade, qui avait alors seize ans. De leur union étaient nés deux fils, le prince Louis en 1806 et le prince Charles en 1809. Bientôt après, la mésintelligence s’était glissée dans le ménage grand-ducal, entraînant la rupture définitive des rapports conjugaux. Cette situation était notoire, avérée. La grande-duchesse Wilhelmine menait sa vie, de son côté ; on lui attribuait des caprices nombreux.

Or, vers le printemps de 1823, la petite cour de Darmstadt apprit avec stupeur que la souveraine était enceinte. Le 15 juillet, elle mit au monde un troisième fils, le prince Alexandre, qui devait plus tard former la souche des Battenberg. Pour l’honneur de sa couronne et de sa famille, Louis II assuma la paternité de l’enfant. Mais tout le monde connaissait le père authentique ; on n’osait même pas le nommer, tant il était subalterne. L’année suivante, le 8 août 1824, la grande-duchesse donnait le jour à un autre enfant, de même origine, la princesse Marie.

La révélation de ce secret, qui était la fable de toutes les cours allemandes, ne changea rien aux sentiments ni aux résolutions du Césaréwitch : « N’importe ! disait-il. J’aime la princesse Marie, je l’épouserai. Plutôt que de renoncer à elle, je renoncerai au trône.

L’empereur Nicolas avait fini par céder. Le 16 avril 1841, le césaréwitch Alexandre avait épousé, au Palais d’hiver, la princesse Marie de Hesse.

Malgré le pénible mystère de sa naissance, la jeune Césarewna fut très sympathiquement reçue par sa nouvelle famille et ses futurs sujets. On s’accordait à la trouver belle et d’une distinction parfaite. En dépit de sa jeunesse, elle manifestait les goûts les plus sérieux ; elle s’adonnait activement aux œuvres charitables et le Saint-Synode admirait sa piété. Les gens de la Cour ne lui reprochaient qu’un peu de raideur, un accueil trop réservé, trop cérémonieux. Son époux la comblait d’égards et de tendresse. Lorsqu’il monta sur le trône, le 2 mars 1855, elle avait déjà de lui cinq enfants.

Mais ces grossesses multiples et deux autres qui survinrent encore délabrèrent sa santé. Elle avait toujours eu la poitrine délicate : le rude climat de Saint-Pétersbourg l’éprouvait cruellement.

Dans la vie retirée à laquelle ses médecins la condamnaient de plus en plus, elle s’aperçut bientôt que l’Empereur se lassait