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En 1837, son père Nicolas Ier lui avait fait entreprendre un voyage d’études à travers l’Europe. Il avait ainsi parcouru la Suède, l’Autriche, l’Italie, s’arrêtant de préférence auprès des cours de Berlin, de Weimar, de Munich, de Vienne, de Turin, de Florence, de Rome, de Naples. Il revint par la Suisse et la région rhénane, pour faire visite à ses parents de Stuttgart et de Carlsruhe. Impatient de partir pour Londres, qui était sa dernière étape avant de rentrer à Saint-Pétersbourg, il avait rayé de son itinéraire les petites capitales de la Confédération germanique, telles que Darmstadt, Mecklembourg, Brunswick, etc... Mais le vieux souverain de la Hesse électorale, le grand-duc Louis II, insista pour obtenir au moins un arrêt de quelques heures à sa cour. Le jeune Césaréwitch ne crut pouvoir se dérober à cette instance et accepta, comme une corvée, l’invitation grand-ducale ; il arriva le 12 mars 1838 à Darmstadt.

Cette corvée lui ménageait une surprise. Louis II avait quatre enfants, trois fils et une fille. Celle-ci était la cadette de tous ; elle achevait à peine sa quinzième année. Alexandre-Nicolaïéwitch s’éprit d’elle instantanément.

Le soir même, il dit à ses aides de camp, Orlow et Kavéline « C’est elle que je rêvais. Je n’épouserai jamais qu’elle. » Et il écrivit aussitôt à ses parents pour les supplier de l’autoriser à demander la main de la jeune fille.

Comme on l’attendait à Londres, il dut s’arracher au sortilège de Darmstadt ; mais il y revint précipitamment, dès qu’il eut quitté le sol anglais.

La réponse de ses parents ne l’encourageait cependant pas dans sa ferveur matrimoniale. On lui intimait l’ordre de hâter son retour ; quant au mariage, l’affaire était à examiner ; on verrait plus tard.

Alors, il déclara tout net à Orlow et Kavéline qu’il renoncerait au trône plutôt que de ne pas épouser la princesse Marie.

Rentré peu après à Saint-Pétersbourg, il réitéra devant ses parents cette ferme déclaration

L’orgueilleux autocrate Nicolas Ier et sa très fière épouse Alexandra de Prusse se montrèrent néanmoins inexorables. Et, comme le Césaréwitch ne s’en obstinait que plus dans son amour contrarié, ils finirent par lui avouer le vrai motif de leur résistance.

Le grand-duc Louis II avait épousé en 1804 la princesse