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Les Alliés viennent de faire, à propos des incidents.de Passau et d’Ingolstadt, l’expérience de cette méthode nouvelle : le Reich, se déclarant responsable, pour la Bavière, s’est hâté de payer un million de marks-or et d’accorder l’essentiel des réparations exigées. Et la seule annonce d’un emploi possible de la manière forte a fait surgir, dans les colonnes du Manchester Guardian, un projet destiné à donner satisfaction à la France. Il se peut qu’avant le 2 janvier, ou à la Conférence même, nous voyions éclore des plans capables de nous apporter les satisfactions dont nous ne pouvons nous passer ; si ces combinaisons viennent d’Allemagne, elles devront être présentées par le Gouvernement lui-même et comporter une prise de gages automatique en cas de manquement ; si elles viennent d’Angleterre, elles ne seront acceptables que si elles contiennent, pour le cas où l’Allemagne se déroberait, un engagement de coopération, tout au moins un amical blanc-seing, pour les mesures de coercition éventuellement nécessaires. La France est résolue à changer de méthode. M. Poincaré attend à Paris, le 2 janvier, ses éminents collègues fort d’une majorité compacte de 486 voix contre 66 à la Chambre et de l’unanimité du Sénat. « Vous avez derrière vous tous les Français, » lui a dit M. François-Marsal. Et M. Ribot, se félicitant qu’à Lausanne la France réussisse à concilier ses devoirs d’alliance avec ses intérêts, ajoutait : « L’Angleterre doit remplir ses devoirs d’alliée fidèle ; elle doit aussi veiller à ses propres intérêts en nous aidant à sortir de nos difficultés... Une attitude négative de sa part ne se comprendrait pas. » Attendons avec confiance la conférence de Paris.

La Pologne traverse une de ces épreuves douloureuses qui peuvent, si la leçon qu’elles comportent est entendue, tremper les caractères et éclairer les consciences. L’assassinat de M. Narutowicz, le Président de la République nouvellement élu, ne constituerait qu’un dramatique incident, qu’il conviendrait de relater en une ligne, si la passion politique n’avait armé l’assassin. Analyser les circonstances qui expliquent un tel crime, c’est révéler la source des dissensions intestines dont souffre la Pologne ressuscitée. La chronique du 1er décembre a exposé le résultat des élections à la Diète et au Sénat ; elles envoyaient au Parlement un bloc de droite très cohérent d’un peu plus de 220 membres, et un bloc de gauche, plus disparate mais numériquement égal. L’élection du Président, comme la vie des ministères, dépend donc du groupe des minorités nationales qui compte 83 députés et 21 sénateurs ainsi répartis : 53 juifs, 20 allemands, 25 blancs-ruthènes, 6 ukrainiens. La vie politique de la