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l’heure pouvait venir d’un rapprochement entre la France et l’Allemagne ; la France avait intérêt à aider l’Allemagne à se relever, sachant bien qu’une Allemagne riche et prospère serait mieux en état de remplir ses obligations. L’évacuation des régions occupées se serait faite en temps normal ; elle aurait pu même devenir une prime anticipée à une bonne volonté manifeste. L’Allemagne ne l’a pas voulu ainsi : c’est elle qui a choisi.

La France, fidèle à ses principes, n’annexera pas la rive gauche du Rhin ; mais, s’il existait un moyen de l’obliger à en perpétuer indéfiniment l’occupation, ce serait, comme le font les Allemands, de cultiver la haine dans les cœurs, de la semer dans les écoles, de prêcher et de préparer une nouvelle guerre. Si la démocratie allemande n’est pas assez forte pour promouvoir le désarmement moral, qu’elle sache que la prochaine guerre, si elle la provoque, se fera sur la rive droite du Rhin. Mais jusqu’ici la démocratie allemande n’a pas réussi à trouver un Gouvernement capable de faire prévaloir ses volontés, si tant est que ces volontés soient pacifiques ; l’Allemand a la discipline dans le sang ; il souffre, mais il obéit ; faute d’empereur et de roi, il obéit à M. Stinnes.

La petite Autriche, elle, a enfin trouvé un chef, et ce chef est un prêtre, un professeur de théologie, Mgr Seipel. Son énergie a fait taire les haines des partis et imposé le salut du pays par les moyens que la Société des Nations a décidé, en septembre, de mettre en pratique. Le plan financier arrêté à Genève ne pouvait suffire à lui seul à sauver l’Autriche en stabilisant la couronne et en restaurant la vie économique ; il y fallait la collaboration d’un Gouvernement honnête et fort qui appliquât les réformes nécessaires pour réduire le nombre des fonctionnaires et le total des dépenses à la mesure de la nouvelle Autriche et de son budget. L’effort est récompensé ; la couronne, depuis le 1er septembre, s’est fixée à un cours extrêmement bas (1/15 000e de sa valeur-or) mais qui n’a plus varié ; la guérison morale s’opère ; le travail reprend, les impôts rentrent : c’est la voie du salut. En Allemagne la situation est loin d’être aussi grave, puisque les moyens de production n’ont diminué que d’environ 15 pour 100 ; c’est la confiance et le courage qui manquent. Au lieu d’appliquer leur énergie à traverser la crise d’après-guerre en faisant honneur à leur signature, les Allemands, conduits par les grands industriels et les financiers, se sont évertués à ne rien payer, à tromper les Alliés en gardant intacte, en accroissant même, la richesse potentielle de l’Allemagne et ses moyens de production ; ils ont employé leurs bénéfices,